Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Un barème très pénalisant pour les salariés, surtout lorsqu’ils ont peu d’ancienneté

Le barème des indemnités prud’homales fixé par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a vocation à dissuader plus d’un salarié licencié, en particulier lorsqu’il a une faible ancienneté, à porter le litige qui l’oppose à son employeur devant le Conseil de Prud’hommes.

Ce barème, qui opère une distinction entre salariés travaillant dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés et salariés travaillant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, se révèle particulièrement pénalisant pour ces derniers, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à laquelle ils peuvent prétendre étant minorée de façon significative.

Cette situation est la conséquence du choix politique qui a été fait de préserver davantage les intérêts des petites entreprises que ceux des salariés qu’elles emploient !

Force est de constater en revanche, qu’à l’égard des salariés licenciés, travaillant dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés et ayant plus de 5 ans d’ancienneté, le montant de l’indemnité maximale déterminée par le barème correspond peu ou prou, en pratique, à celui des condamnations prononcées actuellement par les juridictions prud’homales (plus particulièrement pour les salariés dont l’ancienneté est comprise entre 5 et 15 ans).

Mais reste à savoir si les juridictions prud’homales feront spontanément le choix de condamner l’employeur à l’indemnité maximale…

Le barème n’est pas applicable en cas de licenciement nul

avocat prud'hommes

L’ordonnance prévoit néanmoins une possibilité de déroger au barème lorsque le licenciement est entaché de nullité.

Dans ce cas, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans considération d’ancienneté (article L 1235-3-1 du Code du travail).

Cet article énumère différentes situations pour lesquelles le Code du travail pose expressément la nullité du licenciement, ainsi notamment lorsque celui-ci résulte :

  • D’un harcèlement moral ou sexuel,
  • D’une discrimination directe ou indirecte,
  • De l’action en justice engagée par un salarié en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes,
  • De la dénonciation de crimes et délits,
  • De l’exercice d’un mandat par un salarié protégé,
  • De la protection liée à la maternité ou la paternité,
  • D’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Par ailleurs, la nullité du licenciement est également encourue en cas de violation par l’employeur d’une liberté fondamentale.

Parmi les libertés fondamentales reconnues par la jurisprudence, citons notamment :

Cela étant, la Chambre sociale de la Cour de cassation a également dénié la qualité de libertés fondamentales : à la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail (Cass. Soc. 28 mai 2003 n° 02-40273), au droit du salarié à une action de formation professionnelle (Cass. Soc. 5 mars 2014 n° 11-14426), au recours à un contrôle d’alcoolémie permettant de constater l’état d’ébriété d’un salarié au travail (Cass. Soc. 31 mars 2015 n° 13-25436), et tout récemment, au droit à l’emploi (Cass. Soc. 21 sept. 2017 n° 16-20270).

S’il existe donc des possibilités d’échapper à l’étau du barème des indemnités prud’homales, celles-ci sont néanmoins circonscrites.

Les plaideurs imaginatifs se feront forts d’invoquer d’autres manquements de l’employeur pour tenter d’ajouter à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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