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Pas de licenciement pour faute grave si l’employeur est à l’origine de la faute

Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Le licenciement d’un salarié pour faute grave est considéré comme injustifié lorsque les faits qui lui sont reprochés constituent en réalité la conséquence d’un manquement de l’employeur à ses obligations.

Cette solution, qui peut apparaître comme une forme d’évidence, avait pourtant échappé à l’employeur, qui, esquivant soigneusement cette circonstance exonératoire, avait sanctionné lourdement un salarié ayant une ancienneté de 26 ans.

Le salarié ayant subi ces foudres était chargé du gardiennage et de la sécurité d’une entreprise la nuit et avait été découvert endormi à son poste de travail par le client chez lequel il était affecté, celui-ci s’en étant vivement plaint auprès de l’employeur.

Ce dernier avait alors licencié l’intéressé pour faute grave, au motif que l’accès aux locaux était laissé entièrement libre et qu’une clé des locaux était posée devant lui, à la portée de tous, de sorte qu’il avait nécessairement commis une faute en manquant à une obligation essentielle de son emploi touchant à la sécurité des personnes et des biens.

Avocat licenciement faute grave

Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale, soutenant que son endormissement provenait d’une fatigue excessive qui résultait de 72 heures de service effectuées les jours précédents, et que l’employeur, qui ne l’ignorait pas, avait manifestement méconnu son droit au repos.

La Chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison et juge que la faute grave n’était pas caractérisée et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse en considération des raisons de son endormissement et au regard de son ancienneté (Cass. Soc. 12 déc. 2018 n° 17-17680).

Faire travailler un salarié au-delà de la durée légale constitue un grave manquement de la part de l’employeur

Le même arrêt précise par ailleurs que les dispositions du Code du travail prévoyant que la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures, et que la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser 44 heures (actuels articles L 3121-20 et L 3121-22) sont conformes à la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Cette jurisprudence n’est pas isolée, et il est incontestable que l’employeur qui fait travailler un salarié au-delà de la durée légale du travail commet un grave manquement pouvant justifier la rupture du contrat de travail à ses torts (prise d’acte, résiliation judiciaire), produisant ainsi les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre le paiement d’heures supplémentaires (Cass. Soc. 28 mai 2013 n° 12-12862).

Rappelons que le salarié bénéficie d’un droit à la santé et au repos, qui est au nombre des exigences constitutionnelles.

L’employeur qui méconnait ces prescriptions et fait travailler un salarié un nombre d’heures supérieur à la durée légale ou conventionnelle contrevient au surplus souvent à l’obligation de sécurité, qui lui impose d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (article L 4121-1 du Code du travail), donc de ne pas conduire le salarié à un état d’épuisement.