Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Définition du licenciement économique et prise en considération des difficultés économiques

La loi travail du 8 août 2016 a modifié la définition du licenciement pour motif économique en précisant notamment les critères d’appréciation des difficultés économiques qui doivent être retenus pour qu’un tel motif de licenciement soit caractérisé, ainsi que la durée pendant laquelle ces difficultés économiques doivent exister, des difficultés passagères étant exclues.

S’agissant du périmètre concerné, les difficultés économiques s’apprécient au niveau de l’entreprise, si elle n’appartient pas à un groupe ; ou si elle fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, étant précisé qu’à l’exception d’une fraude, le périmètre se limite à la France, ce qui constitue une restriction notable de la jurisprudence antérieure qui appréhendait la situation internationale du groupe.

L’article L 1233-3 du Code du travail donne des difficultés économiques une définition assez large, celles-ci étant caractérisées, soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

La durée des difficultés économique à prendre en compte varie selon la taille de l’entreprise, les difficultés économiques étant évidemment plus durement ressenties dans les petites entreprises, la période considérée est nécessairement plus courte.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :difficultés économiques de l'entreprise

  1. a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
  2. b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
  3. c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
  4. d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

La chambre sociale de la Cour de cassation vient de préciser quelle était le point de départ à prendre en considération pour établir l’existence des difficultés économiques.

Les difficultés économiques s’apprécient à la date du licenciement et non en prenant en compte la période de l’exercice comptable

Dans une entreprise de plus de 300 salariés, une salariée est convoquée le 16 juin 2017 à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, et son contrat de travail est rompu le 2 juillet 2017 après qu’elle ait accepté d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

La salariée, qui avait une ancienneté très importante, saisit la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement.

La Cour d’appel la déboute, estimant les difficultés économiques de l’employeur avérées.

Elle retient pour ce faire que l’entreprise justifiait d’une baisse de son chiffre d’affaires de quatre trimestres consécutifs sur l’année 2016 par rapport à l’année antérieure, 2015, et considère que l’augmentation du chiffre d’affaires au premier trimestre 2017 par rapport à 2016 est sans incidence.

Elle se place donc sur l’année civile du 1er janvier au 31 décembre pour apprécier la cause économique de licenciement, en se référant à l’exercice comptable clos en 2016.

La salariée objecte qu’elle a été licenciée le 2 juillet 2017, et que c’est donc à la date du licenciement qu’il convient de se placer pour caractériser la période de baisse du chiffre d’affaires.

La Cour de cassation lui donne raison et censure la décision d’appel.

Elle rappelle tout d’abord qu’en application d’une jurisprudence établie, c’est à la date du licenciement que le Juge doit se placer le motif de licenciement (Cass. Soc. 21 nov. 1990 n° 87-44940).

Elle énonce en conséquence que la durée d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période (Cass. Soc. 1er juin 2022 n° 20-19957).

De sorte qu’en se plaçant à la date de notification du licenciement, qui était le 2 juillet 2017, l’entreprise ne justifiait pas de quatre trimestres consécutifs de baisse, car une augmentation de son chiffre d’affaires avait été amorcée au cours du premier trimestre 2017, le licenciement de la salariée est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Rappelons en tout état de cause que, nonobstant l’existence de difficultés économiques, l’employeur doit procéder à une recherche sérieuse et loyale de reclassement dans l’entreprise, ou le groupe, avant d’envisager de licencier un salarié pour ce motif.

avocat licenciementLicenciement pour insuffisance professionnelle et obligations préalables de l'employeur
salarié- inapte- licenciement pour inaptitudeInaptitude, pas de consultation du CSE en cas de mention expresse d'obstacle à tout reclassement