Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Un nouveau dispositif pour encourager les salariés à travailler davantage

Dans la torpeur de l’été, le gouvernement a ressorti de vieilles lunes dans le but d’espérer redonner du pouvoir d’achat aux salariés ; il leur suffira de travailler plus pour gagner plus, en bénéficiant de la défiscalisation des heures supplémentaires qu’ils auront accomplies ou de celle des jours de RTT auxquels ils auront renoncé et qu’ils auront travaillés… voilà qui nous rappelle de lointains souvenirs !

1) La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificatives prévoit en effet que le plafond annuel d’exonération fiscal pour les heures complémentaires et les heures supplémentaires est relevé de 5 000 à 7 500 € pour les heures effectuées depuis le 1er janvier 2022 (article 4).

L’avantage fiscal est donc relevé de 50 %, bénéficiant aux salariés qui accompliront davantage d’heures supplémentaires.

2) En outre, pour les salariés disposant de jours de RTT, ce qui vise essentiellement ceux disposant d’autonomie dans leur emploi du temps ainsi que les cadres ayant conclu des conventions de forfait en jours sur l’année, il leur est loisible de demander à l’employeur de renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de RTT acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025 (sous réserve de l’existence d’un accord collectif).

Les journées ou demi-journées travaillées à la suite de l’acceptation de cette demande donneront lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise, étant précisé que les heures correspondantes ne s’imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d’heures supplémentaires (article 5).

Le plafond d’exonération fiscale est le même que celui des heures supplémentaires (7 500 €).

L’incitation des salariés à travailler davantage afin d’obtenir un surcroit de rémunération couplé à un avantage fiscal trouve une filiation assez claire dans la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dite en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dont la philosophie était rigoureusement la même.

Elle repose sur le dogme que la loi doit offrir aux salariés les moyens de travailler plus en les y incitant, contournant ainsi une durée légale (35 heures), ou conventionnelle, du travail décriée comme étant insuffisante.

Tout en permettant par la même occasion à l’employeur de profiter des compétences de ses salariés, qui travaillent plus, sans avoir à procéder à de nouvelles embauches et en empochant les avantages sociaux et fiscaux qui y sont associés.

Vers la fin des jours de RTT remplacés par une augmentation de salaire ?

Un tel procédé est déjà prévu par le Code du travail.

L’article L 3121-59 dispose en effet que « le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. L’accord entre le salarié et l’employeur est établi par écrit ».

La majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire ne peut être inférieure à 10 %.

C’est dans ce contexte que de nombreuses entreprises proposent à leurs salariés en forfait jours, qui se plaignent d’une charge de travail trop importante, de renoncer à leurs jours de RTT en contrepartie d’un salaire majoré.

Et certains employeurs poussent même jusqu’à leur présenter habilement la chose comme une augmentation de salaire.

Il fallait y penser… renoncer à du temps libre pour travailler davantage, tout en donnant au salarié l’illusion qu’il a bénéficié d’une augmentation de salaire, alors que son taux horaire est demeuré le même, relève d’un talent réel !

On rappellera que la charge de travail d’un salarié doit être compatible avec son temps de travail et que l’employeur doit s’assurer régulièrement qu’elle est raisonnable (article L 3121-60 du code du travail).

Au nombre de ses obligations en figure en outre une autre.

L’obligation de payer les jours de travail accomplis par le salarié au-delà du forfait jours

L’article L 3121-61 du Code du travail dispose en effet que « lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi… ».

Ainsi, si un salarié en forfait jours perçoit une rémunération qu’il considère insuffisante au regard de son temps de travail, de ses responsabilités ou de la qualité qu’il produit… il est fondé à demander, dans un premier temps à son employeur, de lui accorder une rémunération en lien avec le travail qu’il fournit.

De la même manière, le salarié qui travaille un nombre de jours supérieur à celui prévu par son contrat de travail ou par l’accord collectif a droit à la rémunération des jours excédentaires qu’il a réalisés.

Si cette demande n’est pas prise en considération, il lui appartient de saisir la juridiction prud’homale, le Juge évaluant alors souverainement, en respectant le minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due au salarié en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu (Cass. Soc . 26 janv. 2022 n° 20-13266).

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