Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La durée de travail hebdomadaire de 35 heures est une borne qui déclenche le paiement d’heures supplémentaires

La durée légale du travail est actuellement fixée à 35 heures par semaine civile, depuis la loi du 19 janvier 2000 (article L 3121-27 du code du travail).

Mais la charge symbolique attachée aujourd’hui « aux 35 heures » est forte, et sa remise en cause ressurgit à intervalle régulier.

Dans ce contexte, on a pu lire ou entendre quelques affirmations inexactes tendant à présenter cet acquis social comme un carcan rigide, ce qui nous parait assez éloigné de la réalité.

Il est donc utile de faire brièvement le point sur ce sujet d’importance en droit du travail.

La fixation de la durée du travail à trente cinq heures par semaine a un effet principal : en cas de franchissement de cette durée, le salarié bénéficie du paiement des heures supplémentaires qu’il a accomplies, étant précisé que la durée du travail ne peut, en tout état de cause, pas excéder 48 heures au cours d’une même semaine (article L 3121-20 du Code du travail).

La Chambre sociale de la Cour de cassation exige au demeurant que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et rappelle que le droit à la santé et au repos présentent un caractère impératif.

L’employeur peut d’ores et déjà imposer au salarié une durée de travail supérieure à la durée légale

Il n’existe aucune interdiction légale de faire travailler un salarié plus de 35 heures, mais une obligation pour l’employeur d’en assumer le coût, puisque la loi prévoit une majoration de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les suivantes étant majorées de 50 %, à défaut d’accord collectif fixant un taux différent (article L 3121-36 du Code du travail).

Avocat 35 heures

35 heures

A ce titre, la jurisprudence considère de longue date que l’employeur peut imposer au salarié l’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà de la durée légale, en raison des nécessités de l’entreprise, et qu’un refus de sa part constitue une faute l’exposant à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement (Cass. soc 9 mars 1999 n° 96-43718).

Le nombre d’heures supplémentaires pouvant être accomplies est déterminé par un contingent annuel.

Alors que le nombre d’heures contenues dans ce contingent était antérieurement fixé par décret, la loi Bertrand du 20 août 2008 a considérablement libéralisé ce régime, en permettant, prioritairement, à un accord d’entreprise d’en fixer le nombre (article L 3121-11 du Code du travail).

De sorte que c’est désormais le fruit d’un accord négocié entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives majoritaires dans l’entreprise, qui a vocation à quantifier le volume d’heures supplémentaires qui sera nécessaire pour une année.

Ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise, d’établissement, ou d’accord de branche (convention collective) qu’un décret fixe à 220 heures par an et par salarié le contingent annuel (article D 3121-14-1 du Code du travail).

Précisons que les règles relatives au repos compensateur ont également été modifiées (mais nous n’aborderons pas ici ce sujet technique).

La norme légale présente ainsi un caractère supplétif, priorité étant donnée au « contrat », réputé offrir plus de souplesse, incarné en l’occurrence par l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement, voire de branche.

Des accords collectifs dérogent à la durée légale du travail

En outre, la loi du 14 juin 2013, de « sécurisation de l’emploi » a marqué une nouvelle inflexion, en autorisant sous condition un « aménagement » de la durée du travail.

Elle prévoyait l’instauration d’accords « compétitivité-emploi » en «cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération… ».

De tels accords « compétitivité-emploi » ont été conclus, notamment dans la branche de la métallurgie (Renault, PSA), autorisant une augmentation du temps de travail et une flexibilité accrue.

Cet article a ensuite été abrogé et modifié par la loi du 5 septembre 2018, créant « l’accord de performance », qui dans le même esprit, précise qu’ « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord de performance collective peut notamment aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition » (article L 2254-2 du code du travail).

La durée de travail hebdomadaire est de 35 heures par semaine, mais l'employeur bénéficie de plusieurs dispositifs pour y dérogerLe règne de l’accord d’entreprise est vivement encouragé !

Ainsi, il n’est plus nécessaire que l’entreprise connaisse de graves difficultés économiques conjoncturelles pour que les salariés soient être mis à contribution, au prix d’un aménagement de la durée du travail, voire de leur rémunération, en contrepartie de la garantie de leur maintien dans l’emploi.

Il faut, mais il suffit, que l’employeur invoque une nécessité liée au fonctionnement de l’entreprise, dont la jurisprudence n’a pour le moment pas clairement défini les contours.

Les accords de performance collective ont connu un certain succès pendant la crise sanitaire.

L’existence de dérogations apportées à la durée légale du travail est donc une réalité depuis déjà plusieurs années.

La loi de finances rectificatives pour 2022 offre une fois encore à l’employeur la possibilité de déroger aux 35 heures

La loi de finances rectificative pour 2022 vient à nouveau d’entamer un peu plus la durée légale du travail, en donnant un nouveau signal d’encouragement à l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Leur plafond d’exonération fiscale est porté de 5 000 à 7 500 € pour les salariés.

Les employeurs sont de leur côté exonérés de charges sociales.

En outre, les salariés peuvent renoncer à leurs demi-journées ou journées de RTT, en contrepartie d’une majoration de salaire, dont le montant est aligné sur le paiement des heures supplémentaires.

L’initiative appartient certes au salarié, qui doit obtenir l’autorisation de l’employeur, mais cette exigence devrait être facilement satisfaite car le salarié cède souvent à la pression, implicite ou explicite, exprimée par ce dernier.

Cette possibilité reste toutefois subordonnée à l’existence d’un accord collectif prévoyant un dispositif de réduction du temps de travail.

Signalons enfin qu’une étude réalisée par l’organisme Eurostat, dépendant de la Commission Européenne, établit que le nombre moyen d’heures de travail hebdomadaires habituellement accompli par les salariés en France se situe dans la moyenne de nombreux pays européens, ce qui tord le cou à une affirmation inexacte qu’ils travailleraient moins.

Obligation de fournir du travailLa loi du 4 août 2014 sur l'égalité entre les femmes et les hommes
modalités de détermination de la rémunération variablePaiement des objectifs en cas de départ en cours d'année