Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Une réglementation spécifique applicable aux établissements financiers

Les établissements financiers présentent cette particularité d’être soumis à des règles spécifiques qui s’imposent à leurs salariés, destinées à éviter les conflits d’intérêts.

Cette précaution, plutôt saine, vise notamment à s’assurer que ces établissements et leurs salariés ne favoriseront pas leur intérêt personnel au détriment de celui de leurs clients.

A ce titre, l’article L 533-10 du Code monétaire et financier prévoit que les sociétés de gestion de portefeuille et les prestataires de services d’investissement mettent en place des règles et procédures précisant les conditions et limites dans lesquelles leurs salariés peuvent effectuer pour leur propre compte des transactions personnelles, ces conditions et limites étant reprises dans le règlement intérieur de l’entreprise.

La Chambre sociale de la Cour de cassation vient pour la première fois de statuer sur un litige portant sur la valeur d’un Code de déontologie édicté par une banque et, partant, sur la sanction attachée à son absence de respect par un salarié.

Le salarié en question exerçait des fonctions de directeur du « pôle capital développement mezzanine » au sein de la société Bpifrance Investissement.

L’employeur lui avait demandé, semble-t-il à plusieurs reprises, de procéder à une déclaration concernant les transactions personnelles qu’il avait réalisées et de retourner signée l’attestation relative au Code de déontologie qui lui était présentée, ce qu’il avait refusé de faire.

Il s’y était finalement résolu après relance, mais l’employeur considérant que sa réaction était tardive et qu’elle n’avait pas eu pour effet d’effacer sa résistance pendant plus de 6 mois, l’avait licencié pour cause réelle et sérieuse, retenant son insubordination et le non-respect de ses obligations professionnelles.

Le salarié avait donc entrepris de contester son licenciement devant la juridiction prud’homale.avocat licenciement pour faute

En appel, il avait soutenu sans succès que le Code déontologie, sur lequel s’appuyait l’employeur, ne lui était pas opposable car bien qu’annexé au règlement intérieur de l’entreprise, il n’avait pas la même valeur que ce document et ne pouvait servir de fondement à son licenciement.

Le Code du travail dispose à cet égard que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur (article L 1321-1)

Il s’en déduit qu’une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur (Cass. Soc. 26 oct. 2010 n° 09-42740).

En outre, l’introduction du règlement intérieur exige sa soumission préalable à l’avis du Comité Social et Économique (CSE), étant précisé que son opposabilité est subordonnée à sa communication à l’inspecteur du travail (article L 1321-4 du Code du travail), ainsi qu’à son dépôt au Conseil de Prud’hommes dont relève l’entreprise ou l’établissement (article R 1321-2 du Code du travail).

Le salarié reprenait son argument devant la Cour de cassation, affirmant que l’annexion du Code de déontologie au règlement intérieur n’avait pas eu pour effet de lui conférer la même force obligatoire que ce document.

La Chambre sociale ne fait pas droit à sa demande.

Elle énonce que les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur, selon les termes du Code du travail, sont considérées comme des adjonctions à celui-ci

Dès lors, s’il a été soumis à l’avis des institutions représentatives du personnel, a été transmis à l’inspecteur du travail et a fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur, ce document constitue une au règlement intérieur et est opposable au salarié à la date de son entrée en vigueur (Cass. Soc. 5 mai 2021 n° 19-25699).

En l’espèce, le code de déontologie avait bien été soumis pour avis au comité d’entreprise et au CHSCT (avant l’existence du CSE), puis transmis à l’inspecteur du travail et déposé au greffe du conseil des prud’hommes, de sorte qu’il était effectivement opposable au salarié.

Le non-respect du code de déontologie justifiait en conséquence son licenciement.

On retiendra que le Code de déontologie constitue une adjonction au règlement intérieur de l’entreprise lorsque les formalités relatives à son introduction et à sa publication ont été observées par l’employeur.

Il y aura donc lieu d’être particulièrement attentif au respect par l’employeur des exigences en matière de publicité, qui conditionnent l’opposabilité de ce code aux salariés.

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