Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
Les salariés bénéficiant d’une rémunération variable attendent souvent avec une impatience teintée d’incertitude le paiement du bonus ou de la prime sur objectifs récompensant l’activité qu’ils ont déployée au cours de l’année précédente.
Lorsque ce complément de rémunération est payé une fois l’an, il l’est habituellement postérieurement au terme de l’exercice de l’année fiscale de référence, et intervient fréquemment entre les mois de mars et de juin.
La période qui suit ce versement, bien qu’assombrie cette année par les circonstances que l’on connaît, est également propice à l’expression par les salariés de désaccord et/ou de contestation relative au montant retenu par l’employeur.
Un bref rappel des règles applicables parait donc devoir s’imposer.
C’est le contrat de travail qui prévoit que le salarié bénéficiera, outre sa rémunération fixe, d’une part variable dont il fixe les conditions d’éligibilité, renvoyant à un avenant le soin de déterminer la plupart du temps chaque année les modalités ouvrant droit au paiement d’une prime sur objectifs (qualifiée parfois de bonus).
1– La jurisprudence considère avec constance que, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut certes modifier au fil du temps les objectifs qu’il assigne au salarié, pour autant que deux conditions soient réunies : les objectifs doivent être réalisables (1) et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (2).
Ainsi, dans une affaire où le plan de bonus pour le premier trimestre 2008 avait été signé par une salariée le 30 janvier 2008, celui du deuxième trimestre 2008 l’avait été le 16 juin 2008, et l’employeur n’ayant fourni aucune information sur la date de communication des plans de bonus pour les années 2009 à 2012 à l’intéressée, les Juges avaient estimé que la salariée pouvait prétendre à un rappel de rémunération variable calculé sur la base d’un pourcentage appliqué avant le 30 janvier 2008 (Cass. Soc. 9 mai 2019 n° 17-20767).
La jurisprudence considère en outre que l’employeur qui ne fixe pas d’objectifs au salarié en début d’exercice ou n’en précise pas le pourcentage, permettant l’obtention de la part variable, doit subir les conséquences de son impéritie, de sorte qu’en cas de litige, il appartient au Juge de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes (Cass. Soc.12 mars 2014 n° 12-29141, Cass. Soc. 27 sept. 2017 n° 16-13522).