Par Franc Muller – Avocat en droit du travail, Paris
Le paiement des heures supplémentaires, une obligation pour l’employeur
La question de la preuve des heures supplémentaires est une source abondante de litige en droit du travail, dont la solution dégagée par la jurisprudence surprend souvent les salariés.
Le Code du travail précise que constituent des heures supplémentaires, toutes les heures de travail accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire, c’est à dire actuellement 35 heures, ou d’une durée considérée comme équivalente (article L 3121-27).
Le décompte s’effectue dans le cadre de la semaine civile.
Il importe au demeurant de préciser, afin de tordre le cou à une idée reçue, que les cadres au même titre que les autres salariés, sont assujettis à ces dispositions et doivent bénéficier du paiement des heures supplémentaires qu’ils accomplissent.
Seuls les cadres dirigeants sont exclus des règles relatives à la durée du travail.
Le paiement des heures supplémentaires suppose, en cas de litige, que la preuve de leur existence ou de leur nombre soit rapportée.
La loi prévoit que c’est à l’employeur, auquel il revient d’organiser le travail de ses subordonnés, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
C’est au vu de ces éléments, et de ceux produits par le salarié, que le juge forme sa conviction (article L 3171-4 du Code du travail).
Une heureuse évolution de la jurisprudence concernant la charge de la preuve des heures supplémentaires
Depuis 2004, la jurisprudence en tirait pour conséquence que si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de fournir préalablement au Juge des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. Soc 24 février 2004 n° 01.45-441).
Cette interprétation était réalisée de façon assez souple par les magistrats, qui retenaient la valeur probante :
– De tableaux récapitulatifs établis par les soins du salarié ne comportant pas le visa de l’employeur (Cass. soc 10 mai 2007 n° 05-45932, 15 déc. 2010 n° 08-45242),
– D’un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire (Cass. soc 24 nov. 2010 n° 09-40928),
– De fiches de temps émanant d’une badgeuse relevant les heures d’entrée et de sortie du personnel (Cass. soc 24 février 2009 n° 07-43479).
Dans la lignée de ces arrêts, la Cour de cassation a jugé que des tableaux d’heures établis par le salarié à partir de son agenda électronique étaient recevables, dés lors que l’employeur pouvait y répondre (Cass. soc 14 nov. 2012 n° 11-23768).
La « révolution » du 18 mars 2020
Une fois encore, c’est sous l’influence du Droit Européen que la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est engagée dans un changement d’approche radical.
Deux jours après que le confinement ait été instauré, elle publiait un arrêt marquant un revirement de sa jurisprudence.
Celui-ci s’avère assez favorable aux salariés.
Elle décide en effet dorénavant
qu‘il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments (Cass. soc. 18 mars 2020 n° 18-10919).
Le salarié dispose donc d’une multitude de moyens lui permettant de démontrer les heures de travail qu’il a effectuées.
Des tableaux n’indiquant pas les horaires de travail, ni les temps de pause journaliers, ont ainsi pu être considérés comme des éléments suffisamment précis.
De même que des envois de courriels à des heures tardives, sans urgence, qui ne permettaient pas d’étayer la réalité d’un travail continu à la fin de l’horaire théorique ni le weekend, ont également pu être retenus.
C’est ensuite à l’employeur de fournir des éléments précis lui permettant de justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été appliqués par le salarié.
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