Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Les conventions de forfait jours doivent s’appuyer sur des accords collectifs respectant les exigences légales

La convention de forfait en jours sur l’année est un mécanisme asymétrique présentant essentiellement l’avantage pour l’employeur de l’extraire du carcan trop rigide que représente à ses yeux les dispositions relatives à la durée légale du travail (article L 3121-62 du Code du travail).

En contrepartie de cette échappatoire, le salarié se voit accorder des jours de repos supplémentaires.

L’application de ces conventions a donné lieu à de nombreuses dérives et à des temps de travail excédentaires dont le règlement intervient souvent lors de la rupture du contrat de travail, en particulier lorsqu’elle est conflictuelle.

Le salarié saisissant alors la juridiction prud’homale afin d’obtenir, outre des dommages intérêts pour rupture injustifiée, la condamnation de l’employeur à lui payer les heures supplémentaires qu’il a exécutées, parfois soirs et week-ends compris.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a adopté une position inspirée du droit l’Union Européenne en annulant systématiquement les accords collectifs dont les stipulations n’assuraient pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, de sorte que les conventions individuelles de forfait s’appuyant sur ces accords collectifs ont, par voie de conséquence, été jugées nulles, l’application de la durée légale ou conventionnelle du travail reprenant alors ses droits.convention de forfait jours

Le sujet a pris une dimension suffisamment importante pour que le législateur, sensible aux thèses patronales qui s’inquiétaient de l’annulation de nombreux accords collectifs, intervienne récemment à deux reprises (loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 et Ordonnance Macron n° 2017-1718 du 20 décembre 2017).

L’employeur doit s’assurer régulièrement du caractère raisonnable de la charge de travail

En l’état, l’employeur demeure tenu de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (article L 3121-60 du Code du travail), ce dont il lui appartiendra manifestement de justifier en cas de litige.

Reste que les conventions de forfait en jours sur l’année, qui concernent aussi bien les cadres que les non-cadres, s’appliquent exclusivement aux salariés bénéficiant d’une autonomie réelle dans l’organisation de son emploi du temps (article L 3121-58 du Code du travail).

Il a ainsi été jugé que des salariés soumis à un planning contraignant imposant leur présence au sein de l’entreprise à des horaires prédéterminés, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome, ne pouvaient être assujettis à une convention de forfait en jours et qu’il y avait lieu de leur appliquer le droit commun de la durée du travail (Cass. Soc. 15 déc. 2016 n° 15-17568).

Cette solution vient d’être rappelée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

La nécessité pour le salarié de disposer d’une autonomie réelle

Un salarié employé par la société Euro Disney en qualité de « concepteur son événementiel », statut Cadre, avait conclu une convention individuelle de forfait annuel en jours.

Après avoir été licencié, il sollicitait notamment devant le Juge prud’homal un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu’il avait accomplies.

La cour d’appel avait répondu favorablement à cette demande, considérant que la convention de forfait était inopposable au salarié.

Après s’être livrée à un examen minutieux de la relation de travail, elle avait en effet retenu que la durée de travail du salarié était prédéterminée, que ses fonctions s’appliquaient à des événements dont les modalités étaient connues au préalable et qu’il devait respecter des plannings précis, comportant notamment les jours et tranches horaires dans lesquels devait être effectuée chacune des opérations.

La Haute juridiction l’approuve donc d’en avoir déduit que le salarié ne disposait pas d’une autonomie réelle dans l’organisation de son travail, qui était en fait totalement organisé et imposé par l’employeur, de sorte que l’intéressé ne remplissait pas les conditions pour être soumis à une convention de forfait en jours (Cass. Soc. 27 mars 2019 n° 17-31715).

Il pouvait ainsi valablement prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il avait réalisées.

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