Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Quel salarié n’a jamais procédé à des achats personnels sur Internet en utilisant son ordinateur professionnel et en indiquant son adresse électronique professionnelle pour recevoir les documents utiles ?

Cette solution, qui s’impose parfois par commodité, peut cependant s’avérer lourde de conséquence…

Il est préférable en toutes circonstances d’utiliser son adresse électronique personnelle.

Rappelons tout d’abord la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation concernant l’envoi de messages électroniques par le salarié à partir de l’ordinateur professionnel mis à sa disposition par l’employeur.

Elle considère que :

« le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cass. Soc.12 oct. 2004 n° 02-40392).

L’immunité dont bénéfice le salarié s’applique ainsi exclusivement à l’égard des messages électroniques qu’il identifie comme personnels, et plus encore lorsque ces messages personnels sont envoyés à partir de sa messagerie personnelle.Messagerie personnelle

C’est ainsi, par exemple, que le licenciement pour faute grave d’un salarié qui avait dénigré sa supérieure hiérarchique dans un mail adressé, à partir de sa messagerie personnelle, à l’adresse électronique personnelle d’un collègue de travail, et dont l’employeur avait eu connaissance grâce à la délicatesse d’un collègue bienveillant qui le lui ait transféré, a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison du caractère purement privé de ce message (Cass. Soc. 26 janv. 2012 n° 11-10189).

Attention, les mails personnels envoyés à partir de son ordinateur professionnel peuvent être examinés par l’employeur

En revanche, les courriels envoyés par le salarié à partir de son ordinateur professionnel, et contenus dans sa boite électronique professionnelle, n’échappent pas au regard de l’employeur (lorsqu’ils ne sont pas identifiés comme personnels).

Ils sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé (Cass. Soc. 15 déc. 2010 n° 08-42486).

Il peut donc librement avoir accès à la messagerie professionnelle du salarié en son absence (congés, arrêt maladie…).

Un salarié qui méconnaissait l’existence de ces règles vient en a fait les frais.

Celui-ci, qui travaillait dans une association, avait été licencié pour faute grave après que l’employeur ait découvert sur une imprimante de l’établissement où il travaillait, la confirmation d’une réservation pour un voyage à l’étranger qui lui avait été adressée, non sur son adresse électronique personnelle, mais sur celle de son adresse électronique professionnelle.

La circonstance n’aurait pas appelé d’observation particulière si ce n’est qu’il s’agissait d’un voyage à destination d’Alicante, avec un départ le mercredi et un retour le dimanche suivant, à une période où le salarié était censé travailler.

Or, il avait adressé à l’employeur un arrêt maladie couvrant la période litigieuse.

Le salarié contestait son licenciement pour faute grave, soutenant que le document trouvé sur l’imprimante comportait un caractère personnel et relevait de sa vie privée, de sorte qu’il ne pouvait être utilement utilisé par l’employeur.

L’argument n’a malheureusement convaincu ni la Cour d’appel, ni la chambre sociale de la Cour de cassation.

Celle-ci affirme que le document, qui avait été adressée au salarié non sur une adresse électronique privée mais sur l’adresse électronique de l’établissement, ne relevait pas de la vie privée du salarié, dès lors que le voyage devait s’effectuer durant son temps de travail.

Son licenciement était donc justifié (Cass. Soc. 25 sept. 2019 n° 18-11009).

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