Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

Avocat droit du travail, Paris

Avocat droit du travail

 

Une loi protégeant les lanceurs d’alerte

Une des dernières lois votées par le parlement en 2013 mérite qu’on s’y arrête, car elle introduit dans l’entreprise un vent de transparence qui fait suite aux débats ayant alimenté l’actualité de cette année.

Embrassant dans une même étreinte la triste affaire CAHUZAC et l’alerte donnée par Edward SNOWDEN sur le big Brother américain, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, comporte un Titre 3 intitulé « des lanceurs d’alerte ».

Sous ce titre évocateur, le législateur a inséré dans le Code du travail un nouvel article instaurant une protection au bénéfice des salariés qui auront « relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » (article L 1132-3-3).

Ce texte prévoit entre autre qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, pour avoir fait usage de ce droit nouvellement reconnu, c’est à dire par exemple, pour avoir dénoncé au parquet des faits délictueux commis par son employeur, dont il aurait eu connaissance dans le cadre de son activité professionnelle.

Il s’ajoute à d’autres mesures interdisant la discrimination dans l’entreprise sous ses nombreux aspects (en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse…).

Le régime de la preuve est aménagé de façon favorable au salarié, de telle sorte qu’en cas de litige relatif à l’application de ces dispositions, il appartient à l’intéressé de présenter des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi des faits litigieux, pour qu’il incombe ensuite à l’employer, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage produit par l’intéressé.

C’est au demeurant le régime applicable en matière de discrimination, en général.

Nullité d’une décision de l’employeur prise en contravention de ces dispositions

Si l’employeur a agi en violation de ce texte, la mesure qu’il a prise est nulle (article L 1132-4 du Code du travail) ; elle est en conséquence censée n’avoir jamais existée et ses éventuels effets doivent être rapportés.

L’on ne peut que se féliciter de ce nouveau texte, dont on craint néanmoins que sa mise en œuvre s’avère délicate sur le plan pratique.

Imaginer qu’un salarié qui dénoncerait les faits délictueux commis par son employeur sans craindre une vive réaction de ce dernier procéderait probablement d’une certaine part d’utopie.

On complétera ce propos en rappelant que la loi interdit à un employeur de sanctionner un salarié en raison de l’action en justice qu’il a engagée pour faire respecter ses droits.

Cette protection couvre cependant un domaine limité aux actions destinées à faire cesser une discrimination (article L 1134-4 du Code du travail), et à celles relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L 1144-3 du Code du travail).

Mais la Cour d’appel de Paris en a élargi le champs d’application à toutes les actions, quel qu’en en soit le fondement, exercées par les salariés en vue de faire valoir leurs droits contre leur employeur, (CA Paris, 15 sept. 2011 n° 10/06651).

Elle a en effet jugé qu’interdire à un salarié d’agir en justice constituerait une violation d’une liberté fondamentale, reconnue par divers textes internationaux (dont l’article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme) qui serait illégale.

A notre connaissance, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur le sujet…

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