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Le départ d’un salarié de l’entreprise dans laquelle il travaille est un moment délicat, et le caractère émotionnel y est fort. Passé les moments de surprise et parfois de doute, il convient de préparer dans les meilleures conditions possibles la négociation qui doit s’ouvrir avec l’employeur.

Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La fourniture temporaire de main d’œuvre à une entreprise est strictement prévue par le Code du travail, et ne peut, normalement, trouver application que dans le contexte du travail intérimaire, voire du portage salarial.

Le Code du travail énonce en effet que « le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d’un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission » (article L 1251-1).

Le législateur a en outre précisé que « «toute activité de travail temporaire s’exerçant en dehors d’une telle entreprise (de travail temporaire) est interdite, sous réserve des dispositions relatives aux opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif » (article L 1251-3 du Code du travail).

Ce texte autorise certes le recours au prêt de main d’œuvre à but non lucratif, mais interdit le prêt de main d’œuvre à but lucratif, qui ne s’exercerait pas dans le contexte règlementé.

Pourtant en pratique, il n’est pas inhabituel que des sociétés de services, notamment des SSII, contournent la loi en mettant des salariés à disposition d’entreprises utilisatrices dans des conditions qui relèvent du prêt illicite de main d’œuvre.

Le cas se pose ainsi lorsqu’un salarié, en particulier un cadre disposant de compétences techniques reconnues, est embauché par une société de services X, pour être « prêté » le temps d’une mission à une autre société de services Y, laquelle l’affectera à une entreprise utilisatrice avec laquelle elle a conclu un contrat.

Par principe en effet, une société de services affecte ses salariés à l’accomplissement d’une mission, dont la durée varie, auprès d’une entreprise utilisatrice qui la rémunère pour la prestation exécutée.

Dans une affaire que nous avons récemment plaidée, la Cour d’appel de Versailles a condamné l’employeur à payer des dommages intérêts à un salarié, placé dans une telle situation, pour prêt illicite de main d’œuvre.

L’article L 8241-1 du Code du travail dispose que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.

Cet article précise qu’une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Ce qui signifie, a contrario, que lorsque l’entreprise prêteuse facture d’autres frais que les salaires versés, les charges sociales et les frais remboursés, le prêt de main d’œuvre est illicite.

En l’espèce, le salarié avait été embauché par la société A. par contrat à durée indéterminée, et avait dés son engagement été prêté à la société C., qui était très intéressée par ses compétences, elle l’avait aussitôt envoyé en mission auprès d’une entreprise utilisatrice, une banque en l’occurrence.

Il semble au demeurant que les sociétés A. et C. avaient instauré un mode opératoire dans lequel elles se rendaient mutuellement service, s’échangeant au gré de leurs besoins, leurs salariés respectifs.

Or, à l’expiration de sa mission qui avait été plus courte que prévue, le contrat de travail de ce salarié, dont la période d’essai avait précautionneusement été renouvelée par son employeur, avait été rompu.

L’intéressé soutenait, devant le Conseil de Prud’hommes puis devant la Cour d’appel, que la convention liant les sociétés A. et C. avait pour objet exclusif la fourniture de main-d’œuvre moyennant rémunération sans transmission d’un savoir-faire ou mise en œuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse, l’action de la société C. se limitant exclusivement à le mettre à la disposition de l’entreprise utilisatrice, la banque S.

Cette argumentation a été approuvée successivement par les premiers Juges, puis par la Cour d’appel.

Les magistrats ont considéré que le salarié n’effectuait aucune prestation de travail pour le sous-traité, la société C.

En outre, dans le cadre du débat judiciaire, l’employeur s’était gardé de communiquer les détails, notamment financiers, de la relation qui le liait à la société C.

Il ne justifiait pas davantage qu’une quelconque prestation de services ait été effectuée par le salarié au bénéfice de cette société C.

En conséquence, le prêt illicite de main d’œuvre était établi.

Le salarié, qui a eu le détestable sentiment d’être traité comme un chien dans un jeu de quilles, a ainsi eu la satisfaction d’être indemnisé.

Il convient également de préciser que le fait de procéder à une opération de prêt illicite de main d’œuvre est passible de sanctions pénales (article L 8243-1 du Code du travail).

La Cour de cassation vient de consacrer la « perte de chance de conserver son emploi » en droit du travail, en confirmant l’indemnisation accordée à ce titre à des salariés qui en avaient été victimes.

La perte de chance est une notion inscrite dans le Code civil, dont l’article 1149 dispose que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé. »

On définit habituellement « la perte de chance » comme une probabilité assez forte qu’un évènement favorable ait été perdu, ce qui ouvre droit à réparation du préjudice qui en résulte.

Les avocats viennent de se mobiliser massivement, à l’occasion d’une actualité récente, au nom de la violation du sacrosaint secret professionnel qui leur est accordé par la loi.
La perspective qu’un magistrat puisse, dans le cadre d’une information judiciaire dont il est saisi, avoir incidemment écouté les conversations téléphoniques que l’ancien Président de la République a eues avec son avocat, a suscité une levée de bouclier et provoqué l’émoi au palais de justice.
Mais quel est donc ce secret professionnel, ayant quasiment valeur de sanctuaire, qui protège ainsi les avocats et leurs clients ?

A l’heure où l’esprit vagabonde davantage vers les plages ensoleillées que vers l’écran de l’ordinateur, le temps est venu, moins prosaïquement, d’effectuer un bref rappel du régime applicable au remboursement des frais engagés par les salariés à l’occasion de leur activité professionnelle, à l’aune de la jurisprudence la plus récente.

Nombreux sont ceux, en effet, dont la fonction requiert l’engagement de frais à l’occasion de déplacements, d’hébergement, de repas… d’ordre professionnel.

Le Code du travail ne traite pas de ce sujet, et il est donc revenu à la pratique d’instaurer des règles, sous le contrôle du juge.

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le français est la langue normale de travail

Le Code du travail prévoit que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son contrat doit être rédigé en français, ou à défaut, être accompagné d’une traduction (article L 1321-6).

Dans le même ordre d’idée d’ailleurs, il importe de signaler que le contrat de travail doit être rédigé en français (article L 1221-3).

Parenthèse historique : l’ordonnance d’août 1539, dite « ordonnance de Villers-Cotterêts », prise par le roi François 1er, imposait « l’usage du français dans les actes officiels et de justice ».

Les lois Toubon de 1994 ont repris et développé cette obligation, qui a été étendue aux actes de droit privé.

Or, les communications en entreprise, particulièrement dans les entreprises internationales, se font régulièrement en langue étrangère.

Mails, notes de services, instructions… sont ainsi couramment rédigés en anglais.

Qu’en est-il lorsqu’un salarié se plaint que les objectifs qui lui ont été fixés, et qui conditionnent le règlement d’une partie de sa rémunération, ont été rédigés en anglais ?

L’inopposabilité des documents fixant des objectifs en anglais, sauf exception

Les Juges ont eu à trancher cette question, et ont jugé, dans un premier temps, que les documents fixant les objectifs nécessaires à la rémunération du salarié, rédigés en anglais, lui étaient inopposables (Cass. Soc 29 juin 2011, n° 09-67492).

L’inopposabilité se traduit sur le plan juridique par l’inefficience de l’acte, et en conséquence, par le fait qu’il est dépourvu d’effet.

Sans remettre en cause cette position, la Chambre sociale de la Cour de cassation l’a ultérieurement nuancée en considérant que « dès lors que le document fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable avait été rédigé en français et diffusé sur le site intranet de l’entreprise, l’employeur doit être regardé comme ayant satisfait à son obligation selon laquelle tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français, quand bien même le plan d’objectifs avait été adressé au salarié en anglais » (Cass. soc. 21 sept. 2017 n° 16-20426).

Elle a en outre énoncé que « la règle selon laquelle tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers » (Cass. soc. 24 juin 2015 n° 14-13829).