Hi, How Can We Help You?

Blog

Le licenciement, quel qu’en soit le motif, est souvent vécu comme un profond traumatisme par les salariés en qui en sont l’objet, et le sentiment d’injustice est prégnant. Avant de saisir le Conseil de Prud’hommes, afin d’obtenir réparation du préjudice subi, il importe d’avoir quelques principes fondamentaux à l’esprit.

Les juges ont déduit de l’article L 4121-1 du Code du travail que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, dont il doit assurer l’effectivité (Cass. soc 13 décembre 2006, n° 05-44580). La qualification d’obligation de résultat a pour effet que la responsabilité de l’employeur est engagée de plein droit du seul fait de l’inexécution de son obligation de sécurité.

Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle, Paris

La rupture conventionnelle a été introduite dans notre droit par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant « modernisation du marché du travail ».

Après plus de quatre années d’application, un constat s’impose avec la force de l’évidence : la rupture conventionnelle est une fausse bonne idée dont les salariés sont les grands perdants.

Il faut se rappeler que cette loi avait pour origine un accord national interprofessionnel qui avait été précédemment conclu par les partenaires sociaux, le 21 janvier 2008.

Le patronat présentait alors la rupture conventionnelle comme « l’équivalent du divorce par consentement mutuel dans les affaires familiales » (cit.) et lui attribuait entre autre vertu essentielle de limiter le contentieux lié à la rupture du contrat de travail.

Cette vision a largement inspiré la loi, de sorte que l’article L 1237-11 du Code du travail énonce que « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. »

Nouveau mode de rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle paraissait attrayante ; d’un côté, les salariés en auraient tiré avantage, puisqu’à la place d’une démission qui ne leur ouvrait pas droit au bénéficie de l’allocation chômage, le nouveau dispositif leur permettait de percevoir ces allocations ; de l’autre, les employeurs y trouvaient un moyen de rompre le contrat de travail sans contrainte trop lourde et surtout, à la différence du licenciement, sans avoir à invoquer de motif.

A l’usage, l’expérience démontre qu’en réalité le contexte lié à la conclusion de la majorité des ruptures conventionnelles est révélateur du rapport de force qui détermine la relation de travail.

Fondamentalement en effet, cette relation procède d’un rapport subordonné, dans lequel le salarié est placé sous l’autorité de l’employeur, qui dispose du pouvoir de direction.

Les parties ne sont donc pas placées sur un pied d’égalité, c’est l’employeur qui impose ses vues au salarié et non l’inverse !

Rares sont les ruptures conventionnelles initiées par des salariés, en lieu et place d’une démission, étant précisé que la démission est souvent motivée par un différend d’ordre professionnel ou par une embauche dans une nouvelle entreprise.

De fait, les ruptures conventionnelles sont majoritairement prises à l’initiative de l’employeur, qui y a incontestablement plus avantage que le salarié.

Les raisons peuvent en être multiples : relations conflictuelles, manquements reprochés au salarié, volonté d’éviction, motif économique, restructuration ou réorganisation de l’entreprise (non nécessairement liée à un motif économique)…

Force est de constater que dans de très nombreux cas, la rupture conventionnelle s’est purement et simplement substituée au licenciement, ce dispositif permettant d’échapper au carcan jugé trop rigide par les employeurs des dispositions relatives au licenciement, notamment l’exigence de justifier d’une cause réelle et sérieuse.

Concrètement les choses, telles qu’elles nous ont été maintes fois rapportées, se déroulent ainsi : le salarié est convoqué de façon souvent inattendue, et informelle, par l’employeur qui lui expose qu’il va devoir se séparer de lui, en invoquant une raison (fallacieuse ou non), et que tout bien considéré, la meilleure des solutions pour les deux parties est de conclure une rupture conventionnelle.

A défaut d’accepter cette proposition, le salarié est informé des foudres qui lui sont réservées, à savoir un licenciement, nécessairement conflictuel, auquel « il n’a rien à gagner » (les procédures prud’homales sont longues, coûteuses, aléatoires…).

On peut légitimement s’interroger sur le point de savoir si son consentement est alors véritablement libre.

Le salarié sur la sellette doit disposer d’une grande force de caractère pour s’opposer à cet ultimatum, auquel peu résistent face à l’incertitude à laquelle ils sont confrontés.

S’ensuit, dans le meilleur des cas, une négociation sur le montant des indemnités dont le salarié sera gratifié, puis en définitive la signature du formulaire de rupture conventionnelle.

L’indemnité est souvent modique, même si l’honnêteté commande de reconnaître que dans des cas limités les indemnités de rupture conventionnelle peuvent être substantielles ; cette exception étant motivée soit par la conscience qu’a l’employeur du risque prud’homal qu’il encourt, soit parfois par sa bonne foi…

Maigre lot de consolation pour un salarié que d’être indemnisé, dés lors qu’il est privé d’emploi et doit rechercher activement un nouveau travail dans un contexte économique excessivement difficile.

Les garde-fous institués par le législateur n’ont qu’un rôle restreint : le droit de rétractation de 15 jours est peu exercé par les salariés qui, rendus à ce stade, ne nourrissent plus guère d’illusion sur la possibilité de sauver leur emploi.

Quant au rôle dévolu par la loi à la Direction du travail (DIRECCTE), dont l’exposé des motifs mettait à la charge de « sécuriser le dispositif en garantissant la liberté de consentement des parties », il s’agit malheureusement d’un vœu pieux.

Les DIRECCTE, assaillies de très nombreuses demandes (279 000 entre janvier et octobre 2012), se contentent d’en vérifier la forme, sans en contrôler le fond, et ne s’assurent que rarement du consentement réel des parties, singulièrement de celui du salarié.

Les Cours d’appel ont donc eu à se prononcer sur la validité de ruptures conventionnelles contestées par des salariés.

La plupart ont affirmé que ce mode de rupture ne pouvait intervenir « qu’en l’absence de litige entre les parties » (cf. https://www.francmuller-avocat.com/les-pieges-de-la-rupture-conventionnelle), bien qu’un arrêt de la Cour d’appel de Lyon, isolé semble-t-il, adopte une position différente (C.A Lyon 7 mai 2012 n° 09/04353).

Ont été requalifiées en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse des ruptures intervenues dans un contexte litigieux (Cour d’appel de Rouen, 13 mars 2012 n° 11/03543), en cas d’absence de consentement libre et éclairé du salarié, ou lorsque la convention est finalisée pendant que le contrat du salarié est suspendu et qu’il bénéficie d’un statut protecteur lié à sa vulnérabilité (accident du travail, congé maternité, harcèlement moral…).

C’est également pour éviter un abus de ruptures conventionnelles ayant pour origine un motif économique que la Cour de cassation a jugé qu’elles devaient être prises en compte pour l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (Cass. soc. 9 mars 2011, n° 10-11581).

En conclusion, si les objectifs des employeurs, soucieux de disposer d’un mode de rupture souple et limitant le contentieux, ont été pleinement satisfaits, on cherche vainement quels avantages en retirent les salariés ?

Lueur d’espoir, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 pourrait opportunément constituer un frein à ces pratiques, car elle instaure à compter du 1er janvier 2013 un forfait social de 20 %, à la charge de l’employeur pour les ruptures conventionnelles dans la limite de 2 plafonds annuels de sécurité sociale (74 064  € pour 2013).

On attend impatiemment d’observer si ce renchérissement du coût de la rupture se révélera dissuasif.

l est fréquent que certains salariés, amenés à se déplacer de façon régulière, utilisent leur domicile personnel à des fins professionnelles et y établissent le siège de leur activité. Une telle sujétion, volontaire ou non, emporte des conséquences importantes en droit du travail et oblige en tout état de cause l’employeur à les indemniser. Le domicile est un lieu qui relève de la vie privée, et si ce cloisonnement vient à s’estomper, les interférences avec la vie professionnelle ne peuvent en principe pas être contraintes.

Quel salarié – et quel lecteur de ces lignes – peut il décemment prétendre ne jamais utiliser l’ordinateur mis à sa disposition par son employeur pour surfer sur Internet ? bien peu sans doute pourraient répondre par l’affirmative… S’il n’est pas contestable qu’une certaine tolérance est couramment admise, la règle de droit dégagée par la jurisprudence est parfaitement claire et constamment réaffirmée : « Les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence »

Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La prise d’acte est justifiée en cas de graves manquements de l’employeur

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, qui reproche à son employeur de graves manquements.

Si les Juges considèrent qu’elle est justifiée, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié se voit allouer des dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le cas échéant, une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc 20 janvier 2010, n° 08-43476).

En revanche, s’ils considèrent que la prise d’acte n’était pas justifiée, soit parce que les manquements imputés à l’employeur n’étaient pas fondés, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’une démission, ce qui peut avoir pour conséquence que le salarié qui a quitté son emploi immédiatement, sans avoir effectué de préavis, doit être condamné à payer à son employeur une indemnité correspondant au préavis non effectué.

La prise d’acte a été consacrée par la Cour de cassation il y a moins de 10 ans (Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-42335), et la jurisprudence en affine les contours au fil des décisions.

On savait déjà, notamment, qu’elle était justifiée lorsque l’employeur ne rémunère pas au salarié les heures supplémentaires qu’il a effectué, ou lorsque l’employeur contrevient à son obligation de sécurité, de même qu’en cas de modification unilatérale de la rémunération contractuelle du salarié par l’employeur.

Exemple de décisions justifiant une prise d’acte

Deux décisions récentes nous éclairent encore davantage sur les faits qui légitiment une prise d’acte.

Ainsi, dans une première affaire, une salariée reprochait à son employeur de ne pas avoir remédié à une situation conflictuelle qui l’avait opposé à sa supérieure hiérarchique pendant plusieurs années, alors qu’il en était informé.

C’est à bon droit que la salariée a agi, ont estimé les Hauts magistrats, qui ont considéré que l’employeur avait laissé perdurer un conflit sans lui apporter de solution et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 17 octobre 2012, n° 11-18208).

Cette décision est d’autant plus intéressante que la salariée n’invoquait pas de harcèlement moral à son égard ; c’est véritablement l’inertie de l’employeur face à un conflit aigu qui est ici sanctionnée.

Dans une deuxième affaire, le salarié avait travaillé pendant une période continue sans prendre de repos week-end compris, après avoir dû participer à un salon professionnel et avait pris acte de la rupture de son contrat de travail pour ce fait.

La Cour d’appel l’en avait débouté, jugeant que le salarié avait bénéficié d’un repos compensateur, de sorte que le non-respect par l’employeur des dispositions légales relatives au repos hebdomadaire présentait un caractère isolé, qui ne justifiait pas une prise d’acte.

La Cour de cassation a censuré ce raisonnement, le non-respect par l’employeur des dispositions relatives au repos hebdomadaire avait nécessairement causé un préjudice au salarié sur le plan de la santé, compte tenu de la durée de son travail continu au sein du salon professionnel, et que la prise d’acte était ainsi justifiée (Cass. soc 31 ocot. 2012 n° 11-20136).

Il est intéressant de noter que le droit à la santé revêt pour les Juges une importance fondamentale, en particulier depuis 2011, lorsque la Cour de cassation avait posé en principe que « le droit à la santé et au repos sont au nombre des exigences constitutionnelles » (soc. 29 juin 2011 n° 09-71107).

Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

A l’heure où les annonces de fermetures d’usines appartenant à des groupes internationaux se multiplient en France, il convient de faire un rappel des obligations qui s’imposent à l’employeur en matière de licenciement pour motif économique, à l’aune de la jurisprudence récente.

 

Le licenciement pour motif économique obéit à des règles strictes édictées par le Code du travail (article L 1233-3 du Code du travail) et doit ainsi être justifiée :

  • soit par des difficultés économiques, qui sont appréciées au niveau du secteur d’activité dont relève l’entreprise, lorsqu’elle appartient à un groupe,
  • soit par une réorganisation, à la seule condition qu’elle soit nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise,
  • soit par des mutations technologiques.

A défaut de répondre à ces critères, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Néanmoins, avant de procéder au licenciement, l’employeur a l’obligation de reclasser le ou les salariés concernés par cette mesure, en recherchant les emplois vacants qui pourraient leur être proposés (article L 1233-4 du Code du travail).

Cette obligation de reclassement est fondamentale, les Juges la considère comme un élément constitutif de la cause économique de licenciement.

Le périmètre de cette obligation varie : il est limité à l’entreprise lorsque celle-ci est unique, mais l’obligation est beaucoup plus large lorsque l’entreprise appartient à un groupe de sociétés.

Cette obligation est alors renforcée, en ce sens que les recherches de reclassement s’appliquent à de toutes les entreprises du groupe, y compris celles qui sont situées à l’étranger.

En clair, si un emploi est disponible au sein d’une ou plusieurs entreprises du groupe situées à l’étranger, il doit être proposé au salarié dont le licenciement est envisagé.

L’idée directrice est de sauver, autant que possible, l’emploi des salariés et de limiter le nombre des licenciements.

Poussé à l’extrême, on a parfois pu lire dans la presse indignée, que des salariés s’étaient vus proposer avant d’être licenciés, un emploi sans lien avec celui qu’ils occupaient, parfois sous-qualifié et situé dans un pays lointain, en contrepartie d’un salaire dérisoire.

L’employeur répliquait alors en toute bonne foi qu’il se conformait en cela à l’application de la loi et de la jurisprudence.

C’est pour éviter des situations qui pouvaient paraitre absurdes que le législateur a inséré en mai 2010 un nouvel article dans le Code du travail (article L 1233-4-1), prévoyant que lorsqu’une entreprise, ou le groupe auquel elle appartient, est implanté à l’étranger, l’employeur doit interroger le salarié concerné, préalablement à son licenciement, afin qu’il indique s’il accepterait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, en précisant notamment quels emplois il accepterait, dans quels pays et à quel niveau de rémunération ?

L’obligation de reclassement s’applique avec la même exigence qu’il s’agisse du licenciement d’un salarié, pris isolément, ou de celui de l’ensemble des salariés, concernés par exemple par la fermeture de leur entreprise.

A cet égard, lorsqu’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (plus connu sous l’ancienne dénomination de « plan social ») est mis en œuvre par l’employeur, celui-ci doit intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement de salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, en effectuant des recherches à l’étranger si l’entreprise appartient à un groupe multinational (article L 1233-61 du Code du travail).

La Cour de cassation nous fournit une récente illustration de l’application de ces principes (Cass. soc. 10 octobre 2012, n° 11-19436).

Une entreprise de dimension internationale, implantée dans 15 pays et employant 14 000 salariés répartis sur 116 sites d’exploitation en Europe, avait fermé un site sur lequel travaillait de nombreux salariés en France, et mis en place un Plan de Sauvegarde de l’Emploi.

Au titre des mesures de reclassement, ce plan proposait un certain nombre d’emplois en France, ainsi qu’un unique emploi en Roumanie.

L’employeur n’établissait pas, en revanche, avoir été dans l’impossibilité de proposer le moindre poste au sein des sociétés du groupe situées à l’étranger, et le plan ne comportait aucune indication sur la nature et la localisation des emplois qui auraient pu être proposés à l’étranger.

Dans le droit fil de la jurisprudence, les Juges ont considéré que les carences de l’employeur entrainaient la nullité du Plan de Sauvegarde de l’Emploi.

Et par voie de conséquence, que la nullité du plan rendait nul le licenciement des salariés !

Le droit du travail est souvent formaliste ; un formalisme protecteur des intérêts des salariés.

Le juriste allemand Jhering ne disait il pas : « Ennemis de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté » ?


Maître Franc Muller est avocat licenciement sur Paris, il assiste les salariés en licenciement pour motif économique.