Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
Un texte polémique
Le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été adopté par l’Assemblée Nationale et doit être voté, et très probablement approuvé, par le Sénat.
Ce texte, qui a fait l’objet de vives polémiques, comporte il est vrai des dispositions qui laissent pour le moins perplexe et nous semble révélatrices d’un postulat contestable.
Reconnaissons-lui, tout d’abord, une qualité : celle de permettre plus largement la validation des acquis de l’expérience (pour les sportifs de haut niveau, les élus locaux, les chargés de famille élevant ou ayant élevé un ou plusieurs enfants, et les proches aidants) et d’y consacrer un service public spécifiquement dédié.
Mais, comme on le sait, ce projet de loi comporte aussi un ajout au Code du travail, tendant à priver du bénéfice de l’assurance chômage le salarié ayant volontairement abandonné son poste, qui sera dorénavant considéré comme démissionnaire.
Il introduit en effet un nouvel article (L 1237-1-1) dans la modeste sous-section intitulée « démission » qui n’en comportait qu’un seul, ainsi libellé :
Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Cette rédaction prend au demeurant le contrepied d’une jurisprudence établie qui considère que la démission ne se présume pas et qu’elle ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
L’abandon de poste révèle habituellement les conséquences d’une situation de contrainte professionnelle
L’abandon de poste, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, a été ajouté sous la pression politique dans le but très clair de donner un signal favorable aux employeurs et à la droite