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Quelle est la convention collective applicable à ma relation de travail ?

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

A quoi sert une convention collective ?

Les conventions collectives forment un ensemble de règles négociées entre les partenaires sociaux (organisations syndicales représentatives de salariés et organisations représentatives patronales).

Elles comprennent en particulier de nombreux droits bénéficiant aux salariés dans le cadre de leurs relations individuelles avec leur employeur.

Elles déterminent ainsi la plupart du temps les modalités touchant à l’exécution du contrat de travail, de son origine (durée de la période d’essai) à sa rupture (montant de l’indemnité de licenciement, durée du préavis…).

Elles peuvent prévoir les règles d’aménagement du temps de travail, et notamment les conditions et modalités d’application des forfaits en jours sur l’année.

Elles établissent en outre habituellement les minimas salariaux ainsi que la durée et les périodes des congés payés.

Certaines d’entre elles (chimie, télécommunications, métallurgie…) précisent encore les modalités d’application de la clause de non-concurrence et le montant de sa contrepartie financière.

Il s’agit donc d’un cadre juridique important pour les salariés qui en relèvent.

Quelle est la convention collective applicable ?

Le Code du travail précise que la convention collective applicable à la relation contractuelle est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur (article L 2261-2).

L’employeur doit au demeurant informer le salarié, lors de son embauche, de la convention collective applicable dans l’entreprise ou l’établissement (article R 2262-1 du Code du travail).L'indication de la convention collective dans le bulletin de paie vaut à titre de présomption

Il est également possible à un employeur dont l’activité n’est pas couverte par le champ d’application d’une convention collective de choisir d’en appliquer une à titre volontaire et d’y faire référence dans le contrat de travail.

Les choses se compliquent un peu lorsqu’en dépit du fait que la relation de travail relève d’une convention collective précise, le bulletin de paie porte l’indication d’une autre.

Quid lorsque la convention collective indiquée sur le bulletin de paie n’est pas celle dont relève l’activité principale de l’entreprise ?

La jurisprudence a suivi une évolution notable sur ce point.

Dans un premier temps, la Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que si le bulletin de paie indique une convention collective, fût-elle celle qui n’est pas normalement applicable à l’employeur, celui-ci doit supporter les conséquences de son éventuelle erreur.

Elle considérait en conséquence que, dans ses relations individuelles, le salarié, pouvait demander l’application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; cette mention valant reconnaissance de l’application de la convention à son égard (Cass. Soc. 18 juill. 2000 n° 97-44897).

La Cour de cassation précisait, dans le même temps, que lorsque le contrat de travail prévoit l’application volontaire de certaines clauses d’une convention collective, la seule mention de cette convention sur les bulletins de paie ne confère pas au salarié le droit de bénéficier de l’application de toutes les autres dispositions de cette convention (Cass. Soc. 10 juin 2003 n° 01-41328).

Cela étant, elle a ensuite opéré un revirement de jurisprudence nettement moins favorable, et juge désormais que le salarié peut certes demander l’application de la convention collective mentionnée sur son bulletin de paie ; mais cette mention vaut simple présomption de l’applicabilité de la convention collective à son égard, l’employeur étant admis à apporter la preuve contraire.

La Haute Juridiction a ainsi pu retenir dans une affaire que l’employeur rapportait la preuve que la mention portée sur les bulletins de paie procédait d’une erreur manifeste.

Elle a donc débouté une salariée de sa demande de paiement de diverses sommes en application de la convention collective qui était indiquée sur ses bulletins de salaire (Cass. Soc. 15 nov. 2007 n° 06-44008).

Et quid lorsque c’est le contrat de travail qui se réfère à une convention collective qui n’est pas celle dont relève l’activité principale de l’entreprise ?

Les choses sont a priori plus claires lorsque les parties font expressément référence dans leur contrat de travail à une convention collective particulière, bien que l’entreprise soit assujettie à une autre convention.

On peut en effet supposer que l’erreur manifeste n’a pas lieu d’être, l’employeur étant le rédacteur du contrat de travail et ayant disposé du temps qui lui était nécessaire pour s’assurer de la validité des mentions qu’il comporte.

C’est in fine la solution adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Ainsi, un salarié, reporter-photographe, revendiquait l’application de la convention collective des agences de presse qui figurait dans son contrat de travail.

Il demandait en conséquence le paiement de diverses primes dont l’employeur l’avait privé.

Celui-ci s’y opposait, soutenant que leur relation de travail était soumise à la convention collective des journalistes, qui résultait de l’activité principale de l’entreprise.

Étonnement, la Cour d’appel avait considéré l’argumentation de l’employeur et faisait prévaloir l’activité principale de l’entreprise sur le contrat de travail.

Cette interprétation est censurée par la Cour régulatrice.

Celle-ci rappelle la force obligatoire des contrats.

Elle souligne donc en préambule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (selon les termes de l’ancien article 1134 du code civil).

Et énonce en conséquence que « si, dans les relations collectives de travail une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l’activité principale de l’entreprise, dans les relations individuelles, le salarié, à défaut de se prévaloir de cette convention, peut demander l’application de la convention collective mentionnée dans le contrat de travail » (Cass. Soc. 5 juill. 2023 n° 22-10424).