Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Durée légale de la période d’essai

La durée de la période d’essai a longtemps été fixée par les conventions collectives, le législateur laissant aux partenaires sociaux le soin de s’accorder sur ce sujet.

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 a cependant instauré des durées précises à la période d’essai et à son éventuel renouvellement, en distinguant selon les classifications des salariés.

L’article L 1221-19 du Code du travail prévoit ainsi que la durée maximale de la période d’essai est de deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les agents de maîtrise et techniciens, quatre mois pour les cadres, durée pouvant être renouvelée une fois pour la même période, portant ainsi les durées maximales, renouvellement inclus, respectivement à quatre, six et huit mois (article L 1221-21).

Le renouvellement reste néanmoins soumis à l’exigence d’un accord de branche étendu le prévoyant.

Certaines conventions collectives posent en outre des exigences supplémentaires, ainsi par exemple la convention collective des bureaux d’études techniques (dite SYNTEC) subordonne le renouvellement de la période d’essai à l’accord écrit du salarié (article 7).

Articulation entre la durée légale de la période d’essai et celle fixée antérieurement par une convention collective

La Chambre sociale de la Cour de cassation a par ailleurs déjà eu à se prononcer sur la compatibilité de périodes d’essai plus courtes, prévues par des conventions collectives dont la rédaction était antérieure à la loi du 25 juin 2008, avec ces (nouvelles) dispositions légales.

Elle avait alors jugé que la durée maximale prévue par la Loi (de l’article L. 1221-21 du code du travail), lorsqu’elle était plus longue, s’était substituée à celle plus courte fixée par la convention collective, sauvant ainsi de nombreux employeurs du risque juridique qu’ils encouraient (Cass. Soc. 31 mars 2016 n° 14-29184).

Il n’en demeure pas moins que plusieurs conventions collectives antérieures à la loi prévoyaient également une durée de période d’essai plus longue, dont la validité a été maintenue.

C’est notamment le cas de la Convention Collective Nationale des Producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d’assurances du 27 mars 1972, qui fixe une durée de période d’essai de six mois.

Si la loi ne trouve rien à y redire, au regard de l’antériorité de ces dispositions, elle se heurte néanmoins aux conventions internationales, et en particulier à la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui est d’application directe en droit interne.

L’interprétation par la jurisprudence de l’article 2 de cette convention exige que la durée de la période d’essai soit raisonnable.durée de la période d'essai et durée raisonnable

Qu’est-ce qu’une durée raisonnable ?

La durée raisonnable s’apprécie au cas par cas de manière empirique.

Dans une nouvelle illustration, la Cour de cassation avait à se prononcer sur le point de savoir si une durée de 6 mois pouvait être considérée comme raisonnable.

Elle refuse de répondre in abstracto et demande au Juge d’apprécier la situation de manière concrète au regard de la catégorie d’emploi occupée par le salarié.

L’affaire concernait un conseiller commercial dont le contrat de travail stipulait l’obligation d’accomplir une période d’essai de six mois, sans possibilité de renouvellement.

Après que sa période d’essai ait été rompue, le salarié s’était adressé à la juridiction prud’homale, soutenant que la durée de six mois était déraisonnable, de sorte que la rupture de son contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il demandait en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement abusif ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

La Cour d’appel l’avait suivi, estimant qu’était déraisonnable, au visa de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et au regard de la finalité de la période d’essai qui doit permettre au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et de l’exclusion des règles de licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée est de six mois.

La Chambre sociale de la Cour de cassation désapprouve cette motivation et reproche aux Juges du fond de s’être déterminés par une affirmation générale, sans rechercher, au regard de la catégorie d’emploi occupée, si la durée totale de la période d’essai prévue au contrat de travail n’était pas raisonnable (Cass. Soc. 7 juill. 2021 n° 19-22922).

Elle leur impose ainsi de se livrer à un examen prenant en considération la catégorie d’emploi occupée par le salarié, et de se garder de toute affirmation générale.

A ce titre, la Haute juridiction avait jugé qu’une durée de neuf mois (période d’essai de trois mois et un stage de six mois) prévue par la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de navigation pour le personnel d’encadrement, était raisonnable ; il s’agissait en l’espèce d’un directeur général adjoint (Cass. Soc. 24 avril 2013 n° 12-11825).

De même qu’une durée identique, de 9 mois, était raisonnable pour un directeur d’agence bancaire (Cass. Soc. 12 nov. 2020 n° 18-24111).

En revanche, une durée d’essai de six était déraisonnable pour une assistante commerciale, ayant pour fonctions d’accueillir et d’orienter la clientèle d’une banque (Cass. Soc. 10 mai 2012 n° 10-28512).

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