Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

L’horreur indescriptible des attentats terroristes que nous venons de connaître à Paris peut, de façon incidente, soulever quelques problèmes juridiques en droit du travail relatifs à leurs conséquences.

En effet, dés le lendemain samedi, plusieurs entreprises parisiennes recevant du public étaient fermées par mesure de sécurité.

C’est ainsi que la plupart des grands magasins, cinémas, salles de spectacle, musées et parcs d’attraction ont fermé leurs portes.

Les salariés qui devaient travailler cette journée ont ainsi été privés temporairement d’emploi.

I- Leur rémunération est-elle maintenue ?

Plusieurs situations doivent être distinguées afin de répondre à cette interrogation.

1- Tout d’abord, l’employeur, qui se voit reconnaitre la maitrise de l’organisation des congés payés, pourrait être tenté d’imposer aux salariés la prise de jours de congés payés pendant la fermeture de l’entreprise.

Cette décision se heurterait cependant à plusieurs règles édictées par le Code du travail.

L’employeur doit en effet préalablement à la prise de congés payés, recueillir l’avis des délégués du personnel et du comité d’entreprise, lorsqu’ils en existent (article L 3141-13).

Au cas particulier, l’antériorité de cet avis ne pourrait manifestement pas avoir été recueilli compte tenu de la soudaineté et du caractère imprévisible de l’événement ayant donné naissance à la fermeture de l’entreprise.

En outre, les salariés doivent, également préalablement, être informés des périodes de congés, et non être placés subitement devant le fait accompli.

L’employeur pourrait-il alors invoquer l’existence de circonstances exceptionnelles, pour régulariser a posteriori l’imposition d’un ou plusieurs jours de congés payés aux salariés ? Rien n’est moins sûr…

2- La jurisprudence considère en outre qu’en cas de situation contraignante, équivalente à la force majeure (résultant de circonstances imprévisibles, irrésistibles et extérieures), l’employeur peut légitimement, pour des raisons d’ordre et de sécurité, fermer l’entreprise.

La fermeture de l’entreprise à la suite des attentats paraît pouvoir relever d’une telle situation.

Dans cette hypothèse, le contrat de travail des salariés est suspendu, de sorte que l’employeur est délié de l’obligation au paiement des salaires.

Les salariés peuvent néanmoins espérer prétendre au bénéfice de l’indemnité allouée aux salariés placés en activité partielle, issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (article L 5122-1 du Code du travail).

II- Rappelons au demeurant qu’en application de l’obligation de sécurité, qui est une obligation de résultat, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L 4121-1 du Code du travail).

De sorte que l’employeur ne peut laisser un salarié exposé à un danger présentant un risque pour sa santé physique ou mentale, et qu’il lui incombe donc de prendre les mesures nécessaires à la protection des intéressés.

Si l’employeur s’abstenait du respect de cette obligation, le salarié dispose d’un droit d’alerte et de retrait.

A ce titre, il alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, et peut se retirer d’une telle situation (article L 4131-1 du Code du travail).

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection, selon les termes du Code du travail.

La Cour de cassation a jugé à cet égard « qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux » (article L 4131-3 du Code du travail, Cass. soc. 20 nov. 2014 n° 13-22421).

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Réforme du droit du travail, J - 1