Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Un salarié dispensé d’activité peut être victime de harcèlement moral

Il n’est donc pas nécessaire, pour que le harcèlement moral soit caractérisé, que le salarié soit en activité, ni même qu’il soit présent dans l’entreprise.

L’affaire concernait un cadre, salarié de la société ORANGE (ex FRANCE TELECOM), qui avait bénéficié d’un dispositif de congé de fin de carrière, assorti d’une dispense d’activité.

Ce dispositif, prévu par un accord collectif, permettait sous certaines conditions à des salariés âgés d’au moins 55 ans de percevoir une rémunération spécifique de 70 % de leur salaire pendant une durée de cinq ans et neuf mois, tout en étant dispensé d’activité mais avec maintien de leur contrat de travail, avant qu’ils puissent liquider leurs droits à la retraite.

L’intéressé, qui exerçait plusieurs mandats de représentant du personnel, était en congé de fin de carrière du 31 décembre 2006 au 1er octobre 2012.victime de harcelement moral

Estimant être victime de harcèlement moral au cours de cette période, il avait saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement de dommages intérêts.

Devant le Conseil de prud’hommes, il articulait plusieurs griefs :

Il lui reprochait d’avoir commis les agissements suivants, qui s’étaient produits après son départ en congé de fin de carrière, entre le 9 juillet 2009 et le 1er octobre 2012 :

  • Refus de lui fournir les outils nécessaires à son activité syndicale en le privant pendant 2 ans d’un accès à l’Intranet de l’entreprise,
  • Refus de lui permettre d’assister aux réunions de délégués du personnel par télé-présence après la reconnaissance de son état de travailleur handicapé,
  • Erreurs systématiques quant au calcul des cotisations de retraite complémentaire,
  • Erreurs quant au calcul de l’intéressement et de la participation,

La Cour d’appel avait jugé que cette demande était irrecevable, considérant que les faits antérieurs au 9 juillet 2009 étaient prescrits et que le salarié ne pouvait utilement invoquer une dégradation de ses conditions de travail alors qu’il n’était plus en poste de travail au sein de l’entreprise depuis le 31 décembre 2006.

Qu’importe que le contrat de travail soit suspendu, pourvu qu’il ne soit pas rompu

Ces arguments sont balayés par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui retient au contraire que les dispositions relatives au harcèlement moral (article L 1152-1 du Code du travail) sont applicables à un salarié dispensé d’activité en raison d’une période de congé de fin de carrière, dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu pendant cette période (Cass. Soc. 26 juin 2019 n° 17-28328).

Il est en outre utile de rappeler que les agissements de harcèlement moral sont également répréhensibles s’ils sont commis par une personne n’appartenant pas à l’entreprise, mais exerçant de fait ou de droit une autorité sur les salariés, ce qui peut être le cas d’un prestataire de l’employeur (Cass. Soc. 1er mars 2011 n° 09-69616), d’un avocat, membre du Conseil de l’ordre, sur une salariée de l’ordre des avocats (Cass. Soc. 6 mars 2019 n° 17-31161), d’un copropriétaire sur une gardienne d’immeuble (Cass. Soc 19 oct. 2011 n° 09-68272)…

La jurisprudence est parfaitement établie sur le fait que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité, de sorte qu’il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.

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