Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La rémunération variable, mode de rémunération fréquent

Nombreux sont les salariés dont la rémunération est constituée d’un salaire de base, complété par une partie variable, liée la plupart du temps à la réalisation d’objectifs à atteindre.

Ce système incitatif concernait, sous une forme ou une autre, 89,5 % des salariés travaillant dans une entreprise de 10 salariés et plus, en 2012, nous apprend une récente étude.

Il convient de préciser que la rémunération d’un salarié constituant un élément essentiel de son contrat de travail, toute modification de cette rémunération nécessite, pour être licite, l’accord des deux parties, en sorte que l’employeur ne peut procéder unilatéralement à une baisse du salaire de l’intéressé, sans avoir préalablement recueilli son accord.

Il ne pourrait pas davantage modifier la structure de la rémunération d’un salarié, pour les mêmes raisons.

C’est ainsi qu’un employeur avait cru pouvoir, d’autorité, augmenter le salaire de base d’un salarié, tout en baissant le taux de ses primes, prétendant que cette compensation n’avait en définitive pas d’incidence sur la rémunération globale de l’intéressé.

Ce raisonnement a été censuré par les Juges après qu’ils aient constaté que la structure de la rémunération du salarié avait été modifiée sur la seule initiative de l’employeur.

La modification de la structure de la rémunération constitue une modification du contrat de travail et nécessite donc l’accord du salarié

La Cour de cassation considère que :

« la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié » (Cass. soc 18 mai 2011 n° 09-69175).

Mais il peut arriver que la modification de la rémunération d’un salarié prenne un chemin plus insidieux.

Tel était le cas dans une affaire où l’employeur invoquait pour parvenir à ses fins une décision dictée par la stratégie de l’entreprise.

Indemnités prud'hommesLa sacrosainte stratégie autorisait-elle de passer outre le contrat de travail ?

La décision litigieuse était susceptible d’avoir un effet direct sur la détermination de la part variable de la rémunération du salarié.

Mais l’employeur affirmait qu’il devait procéder à la réorganisation d’un service en répartissant différemment la clientèle entre des équipes spécialisées et soutenait que la modification entreprise relevait, à l’égard du salarié, d’un simple changement de ses conditions de travail, et non de son contrat de travail, de sorte qu’elle s’imposait à lui et que son refus l’exposait à une sanction.

Réorganisation d’un service affectant la rémunération du salarié

Selon lui, cette réorganisation n’était pas de nature à diminuer les potentialités de réalisation de chiffre d’affaires du salarié.

Les Juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont eu une interprétation divergente.

La réorganisation du service opérée par l’employeur était bien de nature à affecter la rémunération variable du salarié sans qu’il justifie avoir assorti cette réorganisation d’une garantie du maintien du montant du salaire, de sorte que cette réorganisation emportait une modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer (Cass. soc 13 mars 2013 n° 11-27715).

En conséquence, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié était justifiée.

Plus récemment, c’est par un biais différent qu’un employeur entendait agir et modifier la rémunération variable d’un salarié.

Celui-ci était en charge d’un périmètre géographique défini, auquel était affectée une clientèle.

Des objectifs annuels étaient fixés au salarié contribuant à la détermination de la part variable de sa rémunération.

Réduction d’une partie du secteur géographique du salarié

L’employeur avait cependant imaginé pouvoir unilatéralement exclure une zone importante du secteur confié au salarié, ce qui avait eu pour effet une baisse du chiffre d’affaires réalisé, entrainant en conséquence une diminution de la rémunération de l’intéressé.

L’employeur soutenait notamment avec aplomb que les objectifs déterminant le montant de la rémunération variable du salarié sont définis unilatéralement dans le cadre de son pouvoir de direction, et que la fixation de nouveaux objectifs ne saurait caractériser un manquement de sa part dès lors que ces objectifs sont réalisables.

Cette argumentation est ici encore battue en brèche par les hauts magistrats, qui, après avoir constaté que l’employeur avait procédé à l’exclusion d’un secteur et d’une catégorie importante de clientèle qui étaient auparavant prospectés par le salarié, en ont déduit que « cette réduction du périmètre de prospection, de nature à affecter la rémunération du salarié, emportait modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer » (Cass. soc 12 fév. 2015 n° 13-19309).

A tire de dernière observation, on mentionnera que la Cour de cassation a également jugé que, lorsque la baisse des commissions dues à un salarié trouve son origine dans la redistribution par l’employeur des portefeuilles des délégués commerciaux, ayant une incidence sur la part variable de leur rémunération, l’accord préalable du salarié est requis (Cass. soc 9 avril 2015 n° 13-23584).

Il y a donc lieu de retenir que l’employeur ne peut imposer au salarié une décision ayant pour conséquence une diminution de sa rémunération variable, car une telle modification relève du contrat de travail, et est subordonnée à l’accord express du salarié.

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