Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Période d’essai et période probatoire

Si le contrat de travail à durée indéterminée est actuellement un sésame difficile à obtenir, la relation contractuelle réserve encore parfois bien des surprises…

Il est en effet des situations où, passé la période d’essai et son éventuel renouvellement, le salarié n’est pas à l’abri d’une nouvelle péripétie de son employeur.

Ainsi, après la période d’essai dont le renouvellement a été épuisé, l’employeur imaginatif peut avoir la tentation de prolonger le parcours du salarié en lui superposant une « période probatoire », parfois appelée « période d’observation », destinée à vérifier pour une nouvelle durée si l’intéressé a bien les compétences requises pour le poste.

Dans une affaire que nous avions eu à connaître, le contrat de travail d’un salarié prévoyait qu’à l’issue de sa période d’essai (renouvelée), si l’employeur conservait des doutes sur ses capacités professionnelles, il appliquerait une « période d’observation » complémentaire de six mois, à l’issue de laquelle s’il n’était toujours pas convaincu une rupture conventionnelle serait envisagée !

Le caractère illicite d’une telle stipulation est établi, ni l’employeur, ni le salarié, ne pouvant valablement renoncer par avance, pendant la durée du contrat de travail, au droit de se prévaloir des règles légales du licenciement (Cass. Soc. 30 mars 2005 n° 02-46103).

Il n’en demeure pas moins que les difficultés d’accès au marché du travail avaient permis à l’employeur d’en faire accepter l’augure au salarié qui, trop heureux de décrocher un contrat à durée indéterminée, l’avait signé sans regimber.

La chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer dans une affaire où l’employeur s’était montré plus subtile, pour condamner une telle dérive.

Le changement de qualification ne permet pas toutes les dérives

Un salarié est embauché le 25 avril 2005 en qualité de directeur de la télésurveillance avec une période d’essai de six mois renouvelable une fois (précisons au passage que la loi du 25 juin 2008 a limité les possibilités de renouvellement à une fois, et la durée maximale de la période d’essai, renouvellement inclus, à 8 mois pour les cadres).

Cinq mois plus tard, le 1er septembre 2005, les parties signent un avenant au contrat de travail prévoyant la modification des fonctions du salarié en « directeur du développement », avec une période probatoire de trois mois, soit jusqu’au 30 novembre 2005, renouvelable un mois d’un commun accord.

L’avenant stipulait en outre que si le salarié ne donnait pas entière satisfaction, il retrouverait ses précédentes fonctions.licenciement pour insuffisance professionnelle

Le 12 septembre 2005, la société notifie au salarié le renouvellement de sa période d’essai pour une nouvelle durée de six mois, soit jusqu’au 25 avril 2006.

Le 8 novembre 2005, l’employeur informe le salarié qu’il mettait fin à la période d’essai prévue dans son contrat de travail.

Le salarié conteste la rupture de son contrat.

La Haute juridiction lui donne raison et juge qu’en présence d’un avenant stipulant une période probatoire pour l’exercice de nouvelles fonctions, la période d’essai prévue dans le contrat de travail du salarié engagé pour occuper d’autres fonctions a nécessairement pris fin (Cass. Soc. 20 oct. 2010 n° 08-42805).

Période probatoire pendant l’exécution de la relation contractuelle

Reste donc à évoquer la situation où, à la faveur d’une évolution professionnelle, l’employeur assigne au salarié une période probatoire en cours d’exécution du contrat de travail.

Plusieurs règles ont, ici aussi, été posées par la jurisprudence.

Tout d’abord, si l’employeur peut assortir sa décision d’affectation d’un salarié à un nouveau poste de travail d’une période probatoire, il s’agit d’une modification du contrat de travail qui requiert en conséquence l’accord exprès du salarié (Cass. Soc. 16 mai 2012 n° 10-24308).

En outre, si à l’issue d’une période probatoire le salarié ne donne pas satisfaction, il doit être replacé dans l’emploi qu’il occupait antérieurement (Cass. Soc. 30 mars 2011 n° 09-70693).

La Chambre sociale de la cour de cassation vient d’ajouter une nouvelle pierre à l’édifice, dans une affaire où la difficulté se doublait du fait que l’employeur pensait avoir reçu le renfort d’un accord d’entreprise.

Une cadre salariée, exerçant les fonctions de responsable du service de contrôle interne, avait été nommée pendant l’exécution de son contrat de travail à un poste de responsable du contrôle interne et de la gestion des risques.

En présence d’un accord d’entreprise

Un avenant au contrat, se référant à un accord d’entreprise qui en déterminait les modalités, fixait une période probatoire de six mois, du 1er juin au 31 décembre 2010, à l’issue de laquelle il deviendrait définitif.

Il n’aura pas échappé au lecteur que la durée contractuelle était en réalité de sept mois (1er juin / 31 décembre).

Or, par un avenant du 7 février 2011, à effet du 1er janvier 2011, les parties étaient convenues d’un renouvellement de la période probatoire jusqu’au 30 juin 2011.

Il n’échappera toujours pas au lecteur que cet avenant avait été conclu a posteriori, probablement pour réparer un oubli de l’employeur.

L’accord d’entreprise, auquel il était fait référence, mentionnait qu’une période probatoire d’une durée six mois pour les cadres pouvait être appliquée, renouvelable une fois pour une durée qui ne pouvait excéder celle de la période initiale, si la possibilité du renouvellement avait été prévue dans le contrat de travail initial.

Le 5 mai 2011, l’employeur mettait fin à la période probatoire et réintégrait la salariée dans ses fonctions antérieures.

Celle-ci avait été licenciée plus d’un an après, le 22 novembre 2012.

Habilement, elle avait saisi la juridiction prud’homale en demandant le paiement des avantages contractuels liés au poste de poste de responsable du contrôle interne et de la gestion des risques, pour lequel elle n’avait finalement pas été retenue.

L’employeur, avec l’approbation de la Cour d’appel, avait enjambé le non-respect des délais, qui ne présentait manifestement pour lui qu’un caractère accessoire un peu encombrant.

La Cour régulatrice, toute à sa rigueur, l’entend différemment et énonce, « qu’aux termes de l’article L 2254-1 du code du travail, lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; il en résulte qu’à l’expiration de la période probatoire, le salarié qui n’a pas été réintégré dans son ancien emploi ou un emploi similaire à celui antérieurement occupé est promu définitivement dans son nouveau poste » (Cass. Soc. 20 janv. 2021 n° 19-10962).

La salariée était donc parfaitement fondée à revendiquer le bénéfice des avantages contractuels attachés à la qualification de responsable du contrôle interne et de la gestion des risques.

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