Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
Pas de clause d’exclusion pour les salariés détachés
Les salariés détachés à l’étranger peuvent-ils, en raison de l’exécution de leur travail à l’étranger, être exclus du bénéfice des sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement de l’entreprise ?
La Chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par la négative à cette interrogation : l’accord de participation, comme celui d’intéressement, ne peuvent contenir de clause d’exclusion de cette nature, de sorte que les salariés détachés, qui n’ont cessé d’appartenir à l’entreprise, ont droit au paiement de ces sommes.
La participation a pour objet de garantir collectivement, aux salariés des entreprises employant au moins 50 salariés, le droit de participer aux résultats de l’entreprise, en prenant la forme d’une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise (article L 3322-1 du Code du travail).
L’intéressement, qui est facultatif, a pour objet d’associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise (article L 3312-1 du Code du travail).
L’article L 3342-1 du Code du travail prévoit que « tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords d’intéressement et de participation ou des plans d’épargne salariale bénéficient de leurs dispositions ».
Une première décision s’appliquait au groupe BNP PARIBAS
En dépit de ces dispositions, les accords conclus au sein du groupe BNP PARIBAS portant sur la participation et l’intéressement excluaient de leur champ d’application les salariés affectés et rémunérés à l’étranger.
S’estimant lésés, plusieurs salariés détachés dans des succursales situées à l’étranger avaient formé une demande en justice afin d’obtenir le paiement de ces sommes, avec un rappel sur les années antérieures, dans la limite de la prescription.
L’employeur soutenait, pour s’y opposer, que les accords de participation et d’intéressement pouvaient prévoir que le salarié d’une entreprise française, dont le travail s’exécute à l’étranger et dont la rémunération est versée directement par l’entité d’accueil située à l’étranger, n’avaient pas droit au bénéficie de ces régimes.
Il affirmait ainsi que l’exécution du travail à l’étranger et la rémunération par la filiale locale constituaient des circonstances autorisant cette exclusion.
Les accords de participation et d’intéressement bénéficient à tous les salariés, y compris ceux détachés à l’étranger
La Cour de cassation rejette l’argument et considère que :
Tous les salariés de l’entreprise où a été conclu un accord de participation et un accord d’intéressement doivent avoir la possibilité d’en bénéficier sans que puisse leur être opposé le fait qu’ils n’exécutent pas leur activité en France ou qu’ils n’y sont pas rémunérés ; en conséquence la clause excluant les salariés détachés à l’étranger dans une succursale de ces accords est réputée non écrite (Cass. Soc. 6 juin 2018 n° 17-14372 à 17-14375).
La Chambre sociale fait ainsi une juste lecture de l’article L 3342-1 du Code du travail, rappelant que ces salariés avaient continué d’appartenir à l’effectif de l’entreprise pendant la durée de leur détachement, de sorte que l’exigence légale était ainsi remplie.
L’argument consistant à soutenir qu’un salarié envoyé à l’étranger cesse d’appartenir au personnel de l’entreprise française pour devenir salarié de l’entreprise d’accueil, auprès de laquelle il est détaché, est inopérant
Dans une autre affaire, un salarié licencié pour faute grave réclamait le paiement de sommes au titre de l’intéressement et de la participation sur 5 ans.
Son employeur, pour s’y opposer, affirmait que le contrat de travail d’origine (français) avait été suspendu pendant toute sa période d’expatriation et qu’il ne pouvait en conséquence prétendre à un quelconque droit à participation ou intéressement pour la période d’expatriation.
Cet argument est rejeté par la Cour de cassation.
Le contrat de travail de l’intéressé ayant fait l’objet d’un avenant de détachement n’avait pris fin que par son licenciement, ce dont il résultait que le salarié n’avait jamais cessé d’appartenir à l’effectif de l’entreprise durant sa période d’expatriation auprès de la filiale locale.
Il était donc en droit de bénéficier, comme tous les salariés de l’entreprise, de l’intéressement et de la participation (Cass. soc. 15 mai 2024 n° 22-21109).