Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La signature d’un contrat à durée déterminée est une formalité substantielle

Le droit du travail exige parfois un formalisme particulier pour certains actes, dont la validité est entachée lorsqu’ils n’y répondent pas.

C’est ainsi que la loi assortit de sanctions la méconnaissance par l’employeur du respect des formes prévues pour la conclusion d’un contrat à durée déterminée.

La validité d’un contrat à durée déterminée est en effet subordonnée à l’existence de mentions spécifiques énumérées par l’article L 1242-12 du Code du travail (nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée, désignation du poste, durée minimal pour laquelle il est conclu….), sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée.

Ce texte dispose notamment que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La Chambre sociale de la Cour de cassation en a déduit que, faute de comporter la signature de l’une des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit, et est réputé conclu pour une durée indéterminée (Cass. Soc. 14 nov. 2018 n° 16-19038).

Elle considère que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée (Cass. Soc. 16 mars 2022 n° 20-22676).

La signature du contrat à durée déterminée par l’employeur est donc une exigence déterminante pour la conclusion de ce type de contrat.

Quelle validité pour une signature numérisée ?

Les échanges à distance se sont multipliés au cours de ces dernières années, s’affranchissant de la présence physique des parties, et la conclusion d’un contrat de travail peut parfaitement, pour des raisons de commodité, être réalisée bien que l’employeur et le salarié se trouvent localisés dans des lieux distincts.

Le recours à une signature électronique, qui fait désormais partie de l’environnement de travail de nombreux salariés, est une possibilité qui leur est offerte.

La signature électronique remplace valablement une signature manuscrite, sous réserve de remplir des exigences de fiabilité, d’authentification et de sécurité prévues par la loi.La signature scannée du contrat de travail est valable sous certaines conditions

De nombreux dispositifs existent réunissant ces conditions légales, de sorte que l’acte qui se conforme à ces exigences est parfait.

Mais la question se posait, dans une récente affaire, de la validité de la signature manuscrite scannée du représentant légal de la société employeur, ce qui est tout à fait différent.

Un salarié engagé sous contrat à durée déterminée contestait la valeur légale d’une telle signature et avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le lendemain de son engagement, estimant que le lien de confiance avec l’employeur était rompu du fait de la transmission par celui-ci d’une signature photocopiée et non manuscrite.

Il sollicitait en conséquence, devant le Juge du contrat de travail, la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et formait des demandes se rapportant à la rupture du contrat.

Il soutenait qu’une signature manuscrite numérisée n’est ni une signature originale, ni une signature électronique et n’avait aucune valeur juridique, de sorte qu’en l’absence de signature régulière, le contrat à durée déterminée ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit et, en conséquence, selon une jurisprudence établie, devait être réputé conclu pour une durée indéterminée.

Cette argumentation n’avait pas convaincu la Cour d’appel, qui avait retenu au contraire que la signature litigieuse était celle du gérant de la société et permettait parfaitement d’identifier son auteur, de sorte que sa validité ne pouvait être remise en cause, déboutant le salarié de l’intégralité de ses demandes.

La chambre sociale de la Cour de cassation confirme cette analyse.

Elle relève que la signature en cause était bien celle du gérant de la société et permettait parfaitement de l’identifier, il était en outre habilité à signer un contrat de travail, ce dont il résulte que l’apposition de la signature manuscrite numérisée du gérant de la société ne valait pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification devait être rejetée (Cass. Soc. 14 déc. 2022 n° 21-19841).

Un raisonnement qui peut s’appliquer à d’autres types de contrat

Il est vraisemblable que le raisonnement adopté par la Chambre sociale de la Cour de cassation pour un contrat à durée déterminée, contrat pour lequel la signature est une qualité substantielle, peut être transposé à d’autres types de contrats, notamment à un contrat à durée indéterminée.

La Haute juridiction pose les conditions suivantes à la validité d’une signature numérisée : que son auteur puisse être identifié, ce qui induit que la signature soit lisible et qu’il n’existe pas de contestation sur sa véracité, et que le signataire soit habilité à signer le contrat de travail.

Selon ces considérations, le représentant légal de l’entreprise peut ainsi déléguer son pouvoir à une personne habilitée, il en résulte que la signature numérisée du directeur des ressources humaines ou du responsable administratif de l’entreprise est valable.

Force est de constater que la Cour régulatrice retient une interprétation assez large des personnes habilitées à signer un contrat de travail, propension qu’on avait déjà pu observer à l’égard du signataire d’une lettre de licenciement.

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