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Incidences du Coronavirus en droit du travail

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La grave crise sanitaire sans précédent que nous connaissons actuellement bouleverse notre quotidien et comporte des incidences très importantes pour la grande majorité des salariés

1- Le développement du télétravail a été vivement encouragé et présente une alternative pour un certain nombre d’entre eux, mais il ne s’applique pas à tous les emplois, mettant en évidence de façon prégnante le clivage entre « cols blancs » et « cols bleus ».

Certaines entreprises n’ont eu d’autre choix que la fermeture ou une réduction de leur activité, et ont alors recours au chômage partiel, désormais dénommé « activité partielle », pour leurs salariés, comme le prévoit l’article R 5122-1 du Code du travail, qui précise les conditions d’éligibilité à ce dispositif.

En l’état actuel, le montant de l’indemnité horaire perçue par le salarié correspond à 70 % de la rémunération brute, portée à 100 % de la rémunération nette antérieure pour les salariés en formation (article R 5122-18 du Code du travail).

En outre, de nombreux salariés sont contraints de rester à leur domicile, sans avoir recours au télétravail, afin de garder leurs enfants de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé, ils bénéficient à ce titre d’indemnités journalières de la sécurité sociale.

Par ailleurs, pour les salariés présentant un caractère de vulnérabilité, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a diffusé un communiqué précisant qu’ils devaient impérativement rester à leur domicile, en arrêt de travail, si aucune solution de télétravail n’est envisageable.

Sont notamment considérés comme présentant un caractère de vulnérabilité les femmes enceintes, les salariés souffrant de maladies respiratoires chroniques, d’insuffisances cardiaques, d’hypertension artérielle, de diabète….

A leur égard, un arrêt de travail d’une durée initiale de 21 jours sera directement délivré après qu’ils se soient déclarés en ligne sur le site « declare.ameli.fr », sans qu’ils aient besoin de passer par leur médecin traitant, ni par leur employeur.

Certains employeurs ont par ailleurs cru pouvoir imposer à leurs salariés la prise de congés payés pendant la fermeture de l’entreprise.

En l’état du droit positif, une telle mesure se heurte sur deux exigences légales : l’employeur doit en effet avoir préalablement défini avec le Comité social et Économique (CSE) la période de prise de congés, qui est portée à la connaissance des salariés au moins deux mois avant son ouverture (articles L 3141-16 et D 3141-5 du Code du travail).

En outre, il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue, on est cependant enclin à considérer que cette condition est actuellement remplie.

Dans ce contexte, le projet de loi d’urgence, du 18 mars 2020, pour faire face à l’épidémie de covid -19, revient sur les dispositions légales en vigueur afin de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés.

2- Reste à évoquer la situation des salariés qui sont amenés à continuer à travailler

Il s’agit a priori uniquement de ceux pour lesquels le télétravail n’est pas envisageable et dont l’activité est indispensable au fonctionnement de l’entreprise, selon les termes employés par le Président de la République.

Les conditions définies sont donc limitatives et les modalités devront être précisées car elles risquent d’être source de litiges.

Il est indispensable que les salariés qui poursuivent leur activité professionnelle pendant cette période délicate soient assurés de pouvoir le faire dans des circonstances où leur sécurité sanitaire et physique, et celle des tiers, est assurée.

On rappelle à cet égard que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité, qui lui impose d’agir préventivement pour éviter les risques et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés (articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail).précautions à prendre pour se protéger

L’obligation de sécurité est primordiale.

En cas de méconnaissance par l’employeur, les salariés peuvent faire application de leur droit de retrait.

Celui-ci s’exerce lorsque la situation de travail à laquelle un salarié est confronté lui donne un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, les deux adjectifs se cumulant, de sorte qu’il peut s’en retirer après en avoir immédiatement alerté l’employeur.

L’article L 4131-1 du Code du travail dispose en effet que le salarié alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Dans cette hypothèse, le salarié n’a pas à obtenir l’accord préalable de l’employeur pour quitter son poste de travail et n’encoure aucune sanction (Cass. Soc. 25 nov. 2015 n° 14-21272).

L’employeur serait donc infondé à prendre des mesures de rétorsion, notamment en cessant de le rémunérer, une telle mesure constituant une sanction pécuniaire prohibée par l’article L 1331-2 du Code du travail.

Les salariés qui continuent à exercer leur prestation de travail dans les mêmes conditions qu’antérieurement à la crise sanitaire ne peuvent le faire qu’avec l’assurance que leur sécurité est parfaitement garantie.

Il convient en outre de rendre un hommage appuyé au personnel de santé, notamment au personnel hospitalier, qui en dépit d’une dégradation persistante de leurs conditions de travail et de revendications professionnelles qui n’ont pas été entendues, continuent de faire preuve d’abnégation et de prodiguer des soins parfois au péril de leur vie.