Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
La CJUE se prononce sur la licéité du port du voile islamique
Dans l’affaire de la crèche Baby Loup, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation avait eu à se prononcer le 25 juin 2014 sur le licenciement pour faute grave d’une salariée qui refusait d’ôter le voile dont elle était recouverte, en contravention avec le règlement intérieur de l’entreprise, et avait énoncé à cette occasion que « les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché », validant in fine le licenciement de la salariée (Cass. Ass. Plén. 25 juin 2014 n° 13-28369).
Ainsi que la presse l’a largement relayé cette semaine, c’est désormais la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui était appelée à statuer sur le port du voile au travail, en réponse à deux questions préjudicielles qui lui étaient posées par les Cours de cassation française et belge, relatives à l’interprétation de textes communautaires.
1- Les faits de la première affaire étaient les suivants :
Une salariée avait été engagée à compter du 15 juillet 2008 par la société Micropole (France) selon contrat à durée indéterminée, en qualité d’ingénieur d’études.
Elle portait un foulard islamique sur son lieu de travail, ce que son employeur n’ignorait pas.
A la suite d’une plainte d’un client auprès duquel elle était affectée, l’employeur, invoquant le principe de « nécessaire neutralité à l’égard de la clientèle », lui avait demandé de ne plus porter de voile chez ce client, ce que l’intéressée avait refusé.
Ce refus lui avait valu d’être licenciée pour ce motif le 22 juin 2009.
La salariée contestait son licenciement, soutenant qu’il était nul, comme constitutif d’une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses.
Elle avait été déboutée en première instance et en appel.
C’est dans ce contexte que la Chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, interrogeait la CJUE sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
Cet article, qui pose le droit de toute personne à l’égalité devant la loi et la protection contre la discrimination prévoit que « dans des circonstances très limitées, une différence de traitement peut être justifiée lorsqu’une caractéristique liée à la religion ou aux convictions, à un handicap, à l’âge ou à l’orientation sexuelle constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. »
La question était donc de savoir si les souhaits d’un client de ne plus voir les services d’un employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition.
La CJUE répond que « ce n’est que dans des conditions très limitées qu’une caractéristique liée, notamment, à la