Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Modification du contrat ou modification des conditions de travail ?

Si l’employeur peut, sauf abus, librement modifier les conditions de travail d’un salarié, il n’en va pas de même d’une modification du contrat de travail, dont la validité requiert en outre l’accord du salarié (voir différence entre conditions de travail et contrat de travail).

La distinction entre modification des conditions de travail et modification du contrat de travail emporte donc des conséquences juridiques importantes.

Ainsi, lorsque l’employeur modifie les conditions de travail du salarié, celui-ci n’est, en principe, pas fondé à s’y opposer et doit s’y soumettre, sous peine d’encourir une sanction.

La Cour de cassation juge en effet avec une parfaite régularité que le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, pouvant justifier son licenciement.

Un tel refus ne constitue pas à lui seul une faute grave (Cass. soc 20 nov. 2013 n° 12-30100), il est néanmoins constitutif d’une faute « simple », et en conséquence, maigre consolation, ouvre droit au bénéfice d’un préavis et d’une indemnité de licenciement (si le salarié a plus d’un an d’ancienneté).

En revanche, une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée au salarié (Cass. soc 28 avril 2011 n° 09-70619).

Avocat droit du travail

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De sorte que le refus opposé par un salarié à une telle modification ne constitue pas une cause de licenciement.

Concrètement, une situation dans laquelle un employeur tenterait de modifier le contrat de travail d’un salarié sans obtenir son accord, est souvent génératrice de conflit et n’augure rien de bon pour le salarié quant à la poursuite de sa relation de travail, celui-ci peut dans le meilleur des cas engagé une négociation de départ…

Nous avions dans un précédent article tenté de cerner les contours de ce qui relève des conditions de travail et de ce qui a trait au contrat de travail.

Nous avions précisé que la Cour de cassation avait jugé dernièrement qu’un changement de poste ayant pour effet de modifier radicalement le domaine d’intervention d’un salarié, ses prérogatives et ses responsabilités managériales, s’analysait en une modification du contrat de travail, que l’intéressé est en doit de refuser (Cass. soc 25 sept. 2013 n° 12-19407).

Appauvrissement des missions et responsabilités = modification du contrat de travail

La Haute juridiction vient de prononcer une décision s’inscrivant dans la même lignée, qui nous paraît digne d’intérêt (Cass. soc 29 janvier 2014 n° 12-19479).

En l’occurrence, un salarié, cadre d’une compagnie de courtage d’assurances, exerçant les fonctions de chargé de clientèle pour les professions du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes, géomètres experts) considérant que son employeur avait modifié son contrat de travail, en avait tiré les conséquences en prenant acte de la rupture de son contrat de travail.

Deux clients importants de l’entreprise qui l’employait, le conseil de l’ordre des experts-comptables et des commissaires aux comptes, avaient en effet résilié leurs contrats de prestation de services, ce dont il était résulté un réel appauvrissement des missions et des responsabilités du salarié.

L’employeur faisait valoir pour sa défense, que seul un manquement qui lui est imputable personnellement pouvait justifier la rupture du contrat de travail à ses torts, mais que les faits invoqués étaient en réalité la conséquence de la décision d’un tiers, c’est à dire la volonté du client de mettre fin au contrat de prestation de services.

La Cour de cassation ne partage manifestement pas cette analyse, et confirme l’appréciation de la Cour d’appel ayant retenu que le salarié s’était vu imposer un « appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités », son poste étant vidé de sa substance, ce dont elle avait pu déduire l’existence d’une modification du contrat de travail imputable non à un tiers, mais à l’employeur.

Il ressort en conséquence de ces décisions que lorsque l’employeur modifie de manière substantielle les prérogatives et les responsabilités d’un salarié, au point que son poste en subit un appauvrissement, il s’agit d’une modification de son contrat de travail, que l’intéressé est fondé à refuser.

Journée faste pour la rupture conventionnelle
Un licenciement est toujours soumis à l’appréciation du juge