Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

La fin du détachement : une période souvent difficile pour le salarié

Le détachement d’un salarié à l’étranger est souvent vécu à l’origine comme une perspective réjouissante qui constitue une étape importante dans le déroulement de carrière d’un cadre, et laisse augurer d’une d’évolution significative de l’intéressé lors de son retour en France et de sa réintégration dans l’entreprise.

De fait, cet axiome se vérifie la plupart du temps, l’expérience professionnelle d’un salarié à l’étranger, lorsqu’elle s’est révélée concluante, est en effet appréciée par les salariés et les employeurs et ne fait manifestement pas tâche sur un curriculum vitae.

Les choses peuvent en revanche se gâter et devenir conflictuelles lorsque la relation de travail avec la filiale étrangère au sein de laquelle le salarié était affecté s’est détériorée et que son rapatriement intervient dans ces conditions peu favorables.

Habituellement, lorsqu’un salarié a exercé son activité d’abord en France et fait l’objet ultérieurement d’une mobilité auprès d’une filiale, ou d’une entreprise du groupe qui l’emploie, située à l’étranger, il signe un avenant de détachement qui détermine la durée et les modalités de ce détachement (rémunération, avantages en nature liés à l’hébergement, frais de rapatriement, éventuels frais de scolarité des enfants…).

Cet avenant peut préciser, et il est vivement conseillé au salarié d’être vigilant à cet égard, le type d’emploi qui lui sera proposé par l’employeur lors de son retour de détachement.

Il se double souvent d’un contrat local avec la filiale auprès de laquelle il exerce son activité.

Le licenciement du salarié par cette filiale étrangère n’exonère pas toutefois pas l’employeur d’origine de toute responsabilité.

Obligation de rapatriement à la charge de l’employeur

L’article L 1231-5 du Code du travail prévoit en effet dans cette situation, quelle que soit la cause de licenciement retenue, que la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein, étant précisé que le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement.changement de lieu de travail

Cette obligation s’impose à l’employeur quand bien même le salarié aurait fait l’objet d’un détachement dès son engagement, sans avoir travaillé pour la société mère qui l’avait recruté.

La Chambre sociale de la Cour de cassation juge en effet que le seul fait que le salarié n’ait pas, avant son détachement, exercé des fonctions effectives au service de l’employeur qui l’a détaché ne dispense pas celui-ci de son obligation d’assurer son rapatriement à la fin du détachement et de le reclasser dans un autre emploi en rapport avec ses compétences (Cass. Soc. 23 janv. 2019 n° 17-17244).

Reste alors à apprécier la consistance du poste qui sera proposé au salarié licencié par la filiale.

Le texte met à la charge de l’employeur l’obligation de proposer à l’intéressé un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions « en son sein »

Cette périphrase prête à interprétation.

En pratique, lorsque le salarié détaché a été licencié par la filiale étrangère, il est rare que la société mère déploie un zèle extraordinaire pour lui procurer un nouvel emploi marquant une évolution professionnelle.

La proposition qui lui est faite, lorsqu’elle existe, peut s’apparenter à une rétrogradation, suffisamment dissuasive pour lui faire comprendre que son avenir ne se trouve pas précisément au sein de l’entreprise.

La question qui se pose est donc de savoir s’il convient d’apprécier l’importance des fonctions du salarié au regard de l’emploi qu’il occupait dans le cadre de son détachement, ou par référence à celui qu’il occupait antérieurement à son détachement.

La différence est souvent de taille car le dernier poste occupé (dans le cadre du détachement à l’étranger) était la plupart du temps révélateur d’une progression hiérarchique.

La prise en compte de l’évolution professionnelle du salarié

Force est de considérer que la bonne foi contractuelle inciterait en conséquence à retenir que l’emploi proposé soit compatible avec l’importance des fonctions exercées dans le cadre du détachement.

En outre, il paraitrait logique que l’expérience professionnelle acquise à l’étranger soit valorisée, l’inverse consisterait à replacer le salarié dans sa position antérieure au risque que cela révèle en réalité une rétrogradation.

C’est au demeurant l’orientation prise par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, qui prévoit expressément que l’entreprise devra tenir compte des perspectives de réinsertion ultérieure des intéressés dans l’un de ses établissements de métropole afin de pouvoir les affecter dès leur retour à des emplois aussi compatibles que possible avec l’importance de leurs fonctions antérieures à leur rapatriement.

La Chambre sociale de la Cour conforte cette analyse.

Un salarié, dont la relation de travail est soumise à cette convention collective, se voit ainsi proposer, de retour de détachement, un poste correspondant à une qualification qui était la sienne 24 ans auparavant, avec une rémunération 10 fois inférieure à la sienne, et qui lui retirait toute responsabilité managériale.

Dans ces conditions, il prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale.

La Cour d’appel le déboute et juge que la prise d’acte produisait les effets d’une démission, validant la proposition qui lui avait été faite par l’employeur au motif que retient que ce poste était celui que le salarié occupait dans l’entreprise préalablement à son expatriation.

La Haute juridiction censure cette interprétation et affirme, avec une parfaite clarté, qu’il appartenait aux juges du fond de comparer le nouvel emploi non pas avec celui que l’intéressé occupait avant son expatriation mais avec les fonctions qu’il occupait au Brésil avant son rapatriement (Cass. Soc. 9 janv. 2019 n° 17-24036).

Cette analyse ne peut qu’être approuvée, elle nous semble en outre devoir être appliquée en toutes circonstances, y compris en l’absence de convention collective apportant cette précision utile.

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