Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Petit mémo sur les principales causes de licenciement pour motif personnel

Le licenciement pour motif personnel, c’est à dire celui qui est inhérent à la personne du salarié, s’articule essentiellement autour de quatre catégories de motifs, qui comportent elles-mêmes des déclinaisons :

1- Le licenciement pour motif disciplinaire

Il comprend le licenciement pour faute « simple », ouvrant droit à l’indemnité de licenciement et à un préavis.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute, c’est à dire un manquement par le salarié à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. Soc. 28 juin 2023 n° 22-16504).

Selon le degré de la faute reprochée par l’employeur au salarié, elle peut caractériser une « faute grave » ou « faute lourde ».

questions et réponses sur le licenciement pour motif personnelLa faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ni indemnité de licenciement.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, elle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Elle est également privative du préavis et de l’indemnité de licenciement.

Il importe de souligner que le licenciement pour faute grave, comme le licenciement pour faute lourde, ne privent pas le salarié de l’indemnité compensatrice de congés payés, et, contrairement à une idée reçue solidement ancrée, qu’il bénéficie de l’allocation chômage (sauf en cas d’abandon de poste).

2- Le licenciement pour « insuffisance »,

Dont la plus fréquente est l’insuffisance professionnelle, ou son succédané, l’insuffisance de résultat.

Il est défini par l’incapacité du salarié, ayant été valablement formé, d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, ou d’atteindre les résultats qui lui ont été fixés.

3- Le licenciement résultant des conséquences de l’état de santé du salarié,

En particulier le licenciement pour inaptitude, ou le licenciement pour absence prolongée ou répétée lorsque l’intéressé est en arrêt maladie depuis une longue durée.

4- Le licenciement pour violation d’une liberté fondamentale

(liberté d’expression, liberté religieuse…) ou discrimination, dont la sanction est la nullité du licenciement.

A travers des illustrations tirées de la jurisprudence récente, voici quelques décisions qui permettront peut-être d’apprécier la position adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation pour retenir si un licenciement est justifié, ou non, et le qualifier.

Le lecteur saura-t-il apporter les mêmes réponses que la Haute Juridiction aux questions suivantes ?

Question n° 1 :

Le fait pour un salarié de faire savoir de manière un peu démonstrative sa désapprobation sur le montant des augmentations de salaire décidées par l’employeur et de faire une grève du zèle en réaction, motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse ou pas ?

Dans une entreprise, l’employeur avait décidé d’une augmentation générale des salaires de 1 %.

En réaction, un salarié déçu, non dépourvu d’esprit, avait notamment apposé un post-it portant la mention « BRAVO » sur le tableau d’affichage réservé à la direction.

Il avait en outre « adopté un comportement irrespectueux et grossier en affichant sur son poste de travail des dessins d’animaux apparaissant avec une carotte dans le derrière, allusion à peine voilée sur le fait qu’il estimait que le personnel se serait fait avoir » (dixit la lettre de licenciement).

Il lui était enfin reproché un nombre de connexions à Internet très important au cours de la semaine précédant la remise de la lettre de convocation à entretien préalable, la quasi-totalité de ces connexions l’étant à titre privé.

Ce comportement est-il constitutif d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse ?

La Cour d’appel avait pris en considération l’ancienneté du salarié pour relativiser les griefs qui lui étaient faits.

Malheureusement, la Cour de cassation la désapprouve et juge le licenciement justifié (Cass. Soc. 4 nov. 2020 n° 18-23116).

Question n° 2 :

Le fait pour une salariée, vendeuse de matelas pour l’enseigne « le roi du matelas », d’essayer sur son temps de travail avec son responsable les produits dont elle doit assurer la vente, motif de licenciement pour faute grave ou non ?

Avec une motivation très lyrique, la Cour d’appel de Douai avait jugé que le licenciement de la salariée était injustifié.

Nous reproduisons une partie de cette motivation qui met en évidence des qualités professionnelles que l’employeur n’avait manifestement pas su déceler.

« La salariée, répondant certainement aux appels impérieux d’une conscience professionnelle sans faille, allait bientôt être animée du désir irrépressible d’apprécier à leur juste mesure, par l’emploi de procédé jusque-là, semble-t-il inusités dans le magasin, les qualités du matelas Darwin dont par ailleurs elle devait vanter les mérites en raison de ses fonctions de vendeuse, s’assurant par la même occasion que le titre « Roi du matelas » dont se parait son employeur n’était point usurpé.

Ou encore : « si les effusions échevelées auxquelles ont pu se livrer la salariée et son amant et dont celui-ci souligne avec impudeur la multiplicité, pouvaient ne pas être sans conséquence sur l’intégrité des différents matelas qui en ont été le théâtre, il n’est nullement démontré que ces derniers en aient réellement souffert au point d’en être rendus inutilisables, comme le soutient ce dernier avec malignité ».

Et enfin, « qu’il n’est davantage établi qu’elles aient pu avoir lieu durant les horaires de travail et qu’elles aient perturbé le fonctionnement de l’entreprise puisque dans la lettre de licenciement la société reproche à l’intéressée d’avoir mis à profit sa pause déjeuner pour s’adonner à des plaisirs autres que ceux de la table ».

Le comportement zélé de cette salariée justifiait-il son licenciement pour faute grave ?

Malheureusement, une fois encore la Chambre sociale de la Cour de cassation censurait les poètes de la Cour d’appel pour avoir statué en des termes manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité (Cass. Soc. 14 juin 2023 n° 21-23107).

Question n° 3 :

Le fait de critiquer le dirigeant de l’entreprise pour les propos très contestables qu’il avait employés sur les salariés, confirmés par mail le lendemain, motif de licenciement pour faute grave ou non ?

Une salariée s’était permise dans un mail, adressé d’abord aux représentants du personnel, de reprocher à ce dirigeant les propos qu’il avait tenus au cours d’une réunion du personnel et son comportement.

Animé manifestement d’un esprit social développé, l’employeur y avait notamment indiqué qu’il considérait les arrêts de travail pour maladie comme de la fainéantise et avait critiqué les arrêts maternité.requalification d'un licenciement pour insuffisance professionnelle

La salariée lui avait répondu directement par courriel qu’il ne prenait pas en compte la quantité et la qualité du travail fourni.

Elle avait ajouté que la réunion était trop longue et inutile et constituait une perte de temps.

Elle critiquait enfin l’employeur pour son « monologue sans fin », lui demandant à l’avenir de s’abstenir sur ses interventions en matière d’encadrement et de social, affirmant qu’il ne savait pas manager.

L’employeur l’avait licencié pour faute grave en raison de l’envoi de ces deux courriels, dont il semble avoir peu goûté les termes…

Les propos de la salariée étaient-ils excessifs et excédaient-ils la liberté d’expression dont elle dispose ?

La Cour d’appel avait requalifié le licenciement en cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation l’approuve et considère que « la salariée avait tenu des propos répétés qui constituent une critique grave du dirigeant de l’entreprise, exprimée en termes familiers et pour certains outranciers et excessifs, non justifiés par le contexte et confirmés dans un second courriel envoyé le lendemain, diffusés aux trois supérieurs hiérarchiques et aux délégués du personnel ».

Elle estime en conséquence que le comportement de la salariée constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 25 sept. 2019 n° 17-28118).

Question n° 4 :

Le fait pour un salarié d’exprimer son désaccord sur les méthodes de management de l’entreprise et de critiquer une décision des dirigeants, révèle-t-il son absence d’intégration et justifie-t-il son licenciement pour insuffisance professionnelle ?

Un salarié avait fait savoir à son employeur qu’il désapprouvait la valeur « fun & pro » prônée par l’entreprise, à laquelle celle-ci semblait attachée.

Elle se traduisait par une participation obligatoire aux séminaires et aux pots de fin de semaine, générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés.

Elle s’accompagnait en outre de pratiques promues par ces mêmes associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages.

L’expression par le salarié de son refus de ce rite d’entreprise lui avait valu un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Cette absence d’adhésion aux valeurs de l’entreprise est-elle licite ?

Le salarié soutenait que la violation de sa liberté d’expression entrainait en réalité la nullité de son licenciement.

Il est heureusement approuvé par la Cour de cassation, qui juge que le licenciement était, « en partie, fondé sur le comportement critique du salarié et son refus d’accepter la politique de l’entreprise basée sur le partage de la valeur « fun and pro » ainsi qu’à l’incitation à divers excès ».

Ces propos participaient de la liberté d’expression et d’opinion du salarié, sans qu’un abus dans l’exercice de cette liberté ne soit caractérisé, son licenciement était donc nul (Cass. Soc. 9 nov. 2022 n° 21-15208).

Fin des devoirs de vacances…. Et de ce bref aperçu de la jurisprudence sociale en matière de licenciement pour motif personnel.

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