Par Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle, Paris

 

Dissimulation par l’employeur de l’existence d’un PSE concomitant à la signature de la rupture conventionnelle

Les « cachoteries » d’un employeur, qui convainc un salarié de conclure une rupture conventionnelle, alors que dans le même temps un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est en préparation dans l’entreprise et que le poste de l’intéressé est concerné, constituent un dol entrainant l’annulation de la rupture conventionnelle.

Dit autrement, le salarié qui s’est fait berner par son employeur, lequel lui a volontairement fait signer une rupture conventionnelle dans le dessein de ne pas le faire bénéficier du PSE qu’il s’apprêtait à mettre en œuvre, et des avantages qu’il comportait, est en droit d’obtenir réparation.

Le dol est défini par le code civil, comme le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Le dol est un vice du consentement, sanctionné par l’annulation du contrat conclu sous son empire.

On se souvient que la Chambre sociale de la Cour de cassation est plutôt encline à considérer avec bienveillance la rupture conventionnelle, de sorte qu’elle prononce les conditions de son annulation avec une extrême parcimonie.

Ce n’est qu’en cas de fraude ou de vice du consentement qu’elle consent à prononcer l’annulation d’une rupture conventionnelle.

C’est notamment le cas lorsqu’un salarié conclut une rupture conventionnelle sous la pression, qui confine à la menace, de son employeur.

De la même manière, la convention encourt l’annulation si les informations que l’employeur fournit au salarié sur ses droits au bénéfice de l’assurance chômage sont inexacts.

Assez logiquement, la Haute juridiction élargit donc les cas d’annulation à la dissimulation commise par l’employeur, lorsqu’elle est telle que si la réalité avait été connue du salarié, il aurait refusé de s’engager dans cette voie, sans intérêt pour lui.

Un salarié ayant 15 ans d’ancienneté signe avec son employeur une rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, après que la DRH lui ait fait signer au préalable, et pour se couvrir, une lettre manuscrite dans laquelle l’intéressé exprimait le souhait de quitter son poste au moyen de ce mode de rupture du contrat de travail.

L’entreprise connaissait alors des difficultés économiques.

Le salarié découvre a posteriori que l’employeur avait annoncé, le 10 décembre 2015, très peu de temps avant qu’il signe la convention, un plan d’action pour redresser la société et qu’un PSE prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au Comité Social et Économique (CSE).Avocat prud'hommes

Goûtant peu la manœuvre, le salarié, qui avait certes bénéficié d’une indemnité de rupture excédant l’indemnité de licenciement de 14 500 €, s’estimait néanmoins floué et avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation de la convention de rupture.

Il convient d’observer que le projet de PSE ouvrait droit à un congé de reclassement de 12 mois avec maintien intégral du salaire pendant la durée du préavis et rémunération à hauteur de 80 % du salaire ensuite, et comportait en outre des mesures d’accompagnement comprenant des aides pour financer la formation à la création et à la reprise d’entreprise, étant précisé que le salarié avait quitté l’entreprise dans la perspective de créer la sienne.

Son départ, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le privait ainsi du bénéfice de ces mesures prévues par le plan.

La cour d’appel, approuvée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, fait droit à la demande d’annulation de la rupture conventionnelle du salarié.

Celui-ci obtient en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer l’indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents, et des dommages intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

La Haute juridiction relève que « l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci » (Cass. Soc. 6 janv. 2021 n° 19-18549).

On ne saurait que trop approuver cette décision.

Rappelons également que la jurisprudence intègre depuis 2011 les ruptures conventionnelles ayant une cause économique dans la mise en œuvre d’un PSE.

Elle juge à cet égard que « lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi » (Cass. Soc. 9 mars 2011 n° 10-11581).

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