Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Inaptitude et obligations de l’employeur

Des conditions de travail éprouvantes ou des agissements de l’employeur  peuvent avoir raison de la santé du salarié et aboutir en définitive à la rupture de son contrat de travail.

Mais la Cour de cassation vient de rappeler que lorsqu’un salarié était déclaré inapte à son poste de travail à la suite d’un arrêt maladie, faisant suite au harcèlement moral dont il est victime, et qu’il était licencié après que son reclassement ait été impossible, la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur et donne au salarié droit à réparation.

Commençons tout d’abord par préciser le contexte juridique.

Le Code du travail dispose que lorsqu’un salarié est en arrêt de travail pendant une durée d’au moins 30 jours pour cause de maladie ou d’accident du travail, notamment, il doit bénéficier d’une visite médicale de reprise destinée à vérifier que l’intéressé est effectivement apte à reprendre son poste de travail (article R 4624-22 du Code du travail).

Il arrive en effet que son état soit tel qu’il ne lui permette pas de réintégrer le poste qu’il occupait, pour des raisons qui peuvent tenir aussi bien à sa condition physique que psychique.

Lors de cet examen, si le médecin du travail constate que le salarié n’est pas apte à réintégrer son poste, il rend un avis d’inaptitude.

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Harcèlement moral

Les causes de cette inaptitude peuvent au demeurant être multiples, toutefois lorsqu’un salarié était en arrêt de travail à la suite d’un burn-out ou d’un harcèlement moral, l’appréhension légitime qu’il ressent à réintégrer un milieu pathogène peut conduire le médecin du travail, afin de l’en préserver, à rendre un avis d’inaptitude.

Le médecin peut, lorsqu’il rend un tel avis, recommander soit (1°), des aménagements et adaptations du poste de travail, (2°) des préconisations de reclassement, ou (3°) des formations professionnelles en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle (article R 4624-21 du Code du travail).

L’employeur est dans l’obligation de proposer un autre emploi au salarié, adapté à ses capacités, et de prendre en compte les conclusions du médecin du travail et les  indications qu’il formule (article L 1226-2 du Code du travail), étant précisé que l’employeur a cependant la faculté de contester l’avis du médecin du travail.

Cette obligation de reclassement, à l’identique de celle relative au licenciement pour motif économique, s’applique, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, à toutes les entreprises du groupe, et impose donc à l’employeur d’élargir ses recherches de reclassement à ce périmètre.

Néanmoins, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de la dernière visite de reprise, le salarié déclaré inapte n’a pas été reclassé par l’employeur, celui-ci peut procéder à son licenciement en invoquant son impossibilité de reclassement.

En cas de contestation par le salarié de son licenciement, le débat porte habituellement soit sur l’absence de recherche réelle de reclassement réalisée par l’employeur, soit sur les causes de l’inaptitude du salarié, dont la responsabilité de l’employeur peut découler.

Plus particulièrement, les agissements fautifs de l’employeur sont susceptibles d’être sanctionnés lorsqu’ils sont à l’origine de l’inaptitude du salarié et lui valoir une condamnation au paiement de dommages intérêts.

C’est la solution qu’avait retenue la Cour de cassation en 2007, dans une affaire où les faits qui lui étaient soumis dataient d’une période antérieure à janvier 2002, et alors que la loi instituant le harcèlement moral dans le Code du travail date du 17 janvier 2002.

Une salariée qui avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, soutenait que son inaptitude trouvait son origine dans des faits de harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de son employeur.

Les Hauts magistrats avaient effectivement considéré que le licenciement de la salariée était injustifié et qu’il résultait d’agissements fautifs de l’employeur, certes commis antérieurement à la loi du 17 janvier 2002 (Cass. soc 13 déc. 2007 n° 06-45818).

La Cour de cassation avait ensuite, dans un autre litige de même nature, jugé que l’inaptitude de la salariée à son emploi avait pu justifier son licenciement, mais condamné l’employeur au paiement de dommages intérêts pour comportement fautif, en raison de ses agissements ayant consisté à exercer des pressions psychologiques sur la salariée et à la surcharger délibérément de travail (Cass. soc 28 mai 2008 n° 07-41120).

C’est donc dans la continuité de cette jurisprudence que la Haute Cour vient de se prononcer.

Une salariée licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement invoquait un harcèlement moral.

La Cour d’appel avait jugé que son licenciement était injustifié.

Elle est approuvée par la Cour de cassation, qui relève en outre que l’inaptitude de la salariée s’inscrivait dans le contexte de harcèlement moral imputable à l’employeur (Cass. soc 15 janvier 2014 n° 10-19876, Cass. soc 20 juin 2013 n° 10-20507).

Rappelons par ailleurs que ce dernier est tenu au respect d’une obligation de sécurité, obligation de résultat, qui lui impose d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés.

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