Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Des « réjouissances » à venir

Le projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », plus connu sous le nom de son plus ardent défenseur comme loi MACRON comprend de nombreuses dispositions dans le domaine économique et social.

Ce projet a été transmis au Sénat, où il doit être examiné à partir du 4 mars 2015, après avoir été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale dans les conditions que l’on connaît.

Il comporte entre autres plusieurs articles intéressant le droit du travail, et notamment des modifications du Code du travail relatives à la justice prud’homale et à la formation des conseillers prud’homaux, dont l’apport nous semble positif.

On s’étonnera cependant qu’une réforme de procédure judiciaire soit portée par le ministre de l’économie alors qu’il paraitrait cohérent qu’elle relève de la compétence du ministre de la justice, étonnement absent.

Voici donc une analyse synthétique des principales nouveautés tenant à la procédure prud’homale.

Rappelons qu’à ce stade, il s’agit encore d’un projet de loi, qui n’a donc pas été adopté de façon définitive, bien que son économie globale ne devrait pas être bouleversée.

1- La dénomination de « bureau de conciliation » sera dorénavant supprimée et remplacée par celle de « bureau de conciliation et d’orientation », avec mission comme précédemment de concilier les parties.

L’ajout du mot « orientation » revêt un sens particulier, dés lors que plusieurs possibilités seront désormais offertes aux Conseillers prud’homaux, en cas d’absence de conciliation et qu’il devra orienter les plaideurs vers la voie appropriée.

Si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire, le bureau de conciliation et d’orientation pourra, avec l’accord des deux parties, en raison de la nature de l’affaire, renvoyer celle-ci devant le bureau de jugement dans une composition restreinte constituée d’un conseiller prud’homme employeur et d’un conseiller prud’homme salarié.

Ce bureau de jugement statuera alors dans un délai de trois mois (nouvel article L 1454-1-1 du Code du travail).

Nous sommes toutefois réservés sur le respect de ces délais par des juridictions prud’homales souvent encalminées par le manque de personnel administratif.

Cette formation restreinte a vocation à traiter des affaires « simples », bien qu’on se méfie de ce qualificatif qui peut parfois receler une réalité complexe qui n’avait pas été imaginée initialement.

A titre d’illustration lors des débats parlementaires, le rapporteur citait l’exemple d’un employeur qui a adressé à son salarié une lettre de licenciement non motivée. La règle en la matière est simple : une lettre non motivée ne comporte pas de cause réelle et sérieuse de licenciement, de sorte qu’une affaire de cette nature ne devrait pas donner lieu à de grands développements à la barre.

L’idée directrice est donc de désengorger les Conseils de Prud’hommes en dirigeant les litiges a priori sans complexité, vers cette formation restreinte, appelée à les Juger rapidement.

2- En outre, le bureau de conciliation et d’orientation pourra aussi, d’office, en raison de la nature de l’affaire, renvoyer celle-ci devant la formation de jugement présidée par le juge départiteur.

Rappelons que ce dernier est un magistrat professionnel.

Cette formation sera ainsi constituée de cinq Juges : deux conseillers salariés, deux conseillers employeurs, ainsi que le juge départiteur ayant fonction de président.

– Le renvoi devant cette formation sera de droit, de sorte que le Bureau de conciliation et d’orientation y sera tenu, si les deux parties le demandent.

En d’autres termes, si les avocats des parties estiment que le litige dont ils sont saisis risque de se heurter à une difficulté que la formation paritaire du Conseil de Prud’hommes (deux conseillers salariés, deux conseillers employeurs) ne pourrait trancher, faute, par exemple, de disposer des compétences juridiques requises, ils seront enclins à privilégier cette voie.

Une interrogation sur les délais de renvoi devant cette formation peut légitimement être posée, lorsque l’on connaît la durée d’attente devant les formations de départage à Paris et dans les Conseils de Prud’hommes de la région parisienne, faute d’affectation d’un nombre de magistrats professionnels suffisant.

Il convient de noter que le choix de cette formation, lorsque l’affaire est complexe, présentera en outre l’avantage d’éviter qu’elle soit renvoyée en départage à l’issue d’une plaidoirie devant la formation paritaire, ce qui peut constituer l’économie d’une étape.

– Lorsque la demande de renvoi émane de l’une ou l’autre des parties, le bureau de conciliation et d’orientation pourra choisir de renvoyer l’affaire, soit devant le bureau de jugement dans sa formation collégiale habituelle (deux conseillers salariés, deux conseillers employeurs), soit dans sa formation de jugement présidée par le Juge départiteur, étant précisé qu’en cas de partage du bureau de conciliation et d’orientation sur cette demande, l’affaire est de plein droit renvoyée devant la formation de jugement présidée par le Juge départiteur.

En résumé, si l’affaire paraît simple, elle devrait être attribuée à la formation restreinte. Si les deux parties le demandent, l’affaire sera confiée à une formation collégiale présidée par un Juge départiteur (2+2+1).

Dans les autres cas, l’affaire sera distribuée à la formation paritaire habituelle (2+2).

Reste à savoir si les moyens financiers et matériels déployés seront à la hauteur des espérances.

On a souvenir d’un mouvement de contestation, au début de l’année, devant le Conseil de Prud’hommes de Paris, accompagné d’une grève des audiences à l’initiative des Conseillers prud’homaux salariés et employeurs, dans le but d’exprimer leur mécontentement à l’égard des réformes prévues, faute notamment de les accompagner des moyens nécessaires à leur mise en ouvre.

3- Signalons enfin que la formation des conseillers prud’hommes sera renforcée, ce dont on ne peut que se réjouir.

Ceux-ci devront dorénavant suivre une formation initiale à l’exercice de leur fonction juridictionnelle ainsi qu’une formation continue.

La première de ces exigences est assortie d’une sanction dissuasive, puisque tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale sera réputé démissionnaire (article L 1442-1 du Code du travail).

Ce projet de loi contient en outre une multitude de réformes du droit du travail (travail du dimanche/repos dominical, défenseur syndical, lutte contre la prestation de service internationale illégale, licenciement pour motif économique…) que nous nous contentons de mentionner sans les analyser.

Franc Muller – Avocat licenciement, ParisModification de la rémunération variable
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