Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Que les utilisateurs de Facebook se rassurent, ils pourront y critiquer leur employeur sans risque de perdre leur emploi… sous réserve de limiter leurs commentaires acerbes exclusivement à leurs amis.

C’est ce qui ressort d’une décision attendue de la Chambre sociale de la Cour de cassation, appelée à statuer sur le licenciement pour faute grave d’une salariée ayant notamment, selon les énonciations de la lettre de licenciement, « tenu et échangé des propos injurieux (à l’égard de son employeur) accompagnés de menaces sur Facebook ».

L’employeur avait d’ailleurs, semble-t-il, été tellement offusqué par les mots employés à son encontre qu’il avait assigné leur auteure en justice pour injures publiques, lui réclamant le paiement de dommages intérêts.

Il faut dire qu’elle avait formé un groupe intitulé « extermination des directrices chieuses ».

A cette occasion, la Haute juridiction (première chambre civile) avait jugé que les propos litigieux n’étant accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint (ses amis), ne constituaient pas des injures publiques, mais avait néanmoins retenu la qualification d’injures non publiques (Cass. 1ère civ. 10 avril 2013 n° 11-19530).

L’affaire de cette salariée n’en était pas restée là et aura donné lieu à un contentieux nourri, puisque licenciée pour faute grave, elle avait contesté son licenciement et c’est sur ce point que la Chambre sociale de la Cour de cassation devait se prononcer, quelques années plus tard.

La Haute juridiction relève également que le compte ouvert par la salariée sur le site facebook n’avait été accessible qu’à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée, ce dont la cour d’appel avait valablement pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave, et appréciant souverainement les faits, pu décider que le grief ne constituait pas non plus une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc. 12 sept. 2018 n° 16-11690).

On retiendra donc de cette décision que si le salarié paramètre son compte Facebook de telle sorte que ses commentaires soient restreints à ses seuls amis, ils seront assimilés à une conversation de nature privée empêchant l’immixtion de l’employeur.

Au demeurant, il a été jugé que le procédé consistant pour un employeur à se procurer par un biais détourné, en recueillant par l’intermédiaire d’une personne autorisée (« ami »), des informations auxquelles il ne pouvait lui-même accéder directement, n’étant pas agrée, constitue une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée du salarié, justifiant sa condamnation au paiement de dommages intérêts (Cass. soc. 20 déc. 2017 n° 16-19609).

Cela étant, dans une décision postérieure, de manière exceptionnelle, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait admis la licéité du licenciement pour faute grave d’une salariée ayant publié sur son compte Facebook des informations caractérisant une violation du secret des affaires de l’employeur (Cass. soc. 30 sept. 2020 n° 19-12058).

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