Franc Muller – Avocat Droit du travail, Paris

Franc Muller – Avocat droit du travail, ParisLa loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a été publiée au journal officiel, après avoir été validée pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel.

Cette loi constitue la transcription d’un accord national interprofessionnel conclu entre les organisations syndicales patronales et salariales le 11 janvier 2013.

Elle comporte de très nombreuses dispositions que nous n’avons pas vocation à commenter ici, tant la tâche serait longue.

Nous voulons néanmoins revenir brièvement sur l’esprit qui a présidé à l’adoption de ce texte législatif et aux régressions qu’il contient au détriment des salariés.

Dans un contexte économique excessivement difficile, cet accord se veut la traduction dans notre droit de ce qu’il est convenu de nommer la « flexi-sécurité », du terme anglo-saxon « flexicurity », autrement dit, flexibilité pour les entreprises, et sécurité pour les salariés.

Prise dans cette acception, la flexibilité signifie plus de souplesse et moins de contraintes de toutes sortes (à l’embauche, dans la gestion de la relation de travail et de la rupture du contrat…), au bénéfice des employeurs, tandis que la sécurité réclamée par les salariés consiste principalement à obtenir l’assurance de conserver leur emploi.

De fait, il est parfaitement concevable que les entreprises sollicitent davantage de souplesse afin de pouvoir s’adapter à une conjoncture économique très tourmentée, où les carnets de commandes peinent à se remplir.

De ce point de vue notamment, ils ont obtenu gain de cause, puisque la loi leur permet, lorsqu’une entreprise est confrontée à de « graves difficultés économiques conjoncturelles », de conclure sous certaines conditions un accord de « maintien de l’emploi », d’une durée maximale de 2 ans, permettant d’aménager le temps de travail des salariés, ainsi que de réduire éventuellement leur rémunération, en contrepartie de l’engagement par l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de cet accord.

Mais la loi nous parait receler un net déséquilibre au préjudice des salariés, en ce sens où elle tend à revenir sur des droits qui leur étaient reconnus, ou à les minorer.

La défiance à l’égard du Juge est au demeurant clairement affichée.

On en veut pour preuve deux mesures figurant à l’article 21 de la loi nouvelle.

Ainsi dorénavant, le délai de toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail, ce qui vise particulièrement le licenciement, se prescrira par deux ans, alors qu’il était antérieurement fixé à cinq ans (article L 1471-1 nouveau du Code du travail).

Etant précisé que ce délai de cinq ans résultait d’une modification législative récente, puisque c’est la loi 17 juin 2008 qui avait ramené le délai de prescription de 30 ans à 5 ans.

En outre, l’action en paiement du salaire se prescrit désormais par trois ans  (article L 3245-1 nouveau du Code du travail), alors que ce délai était de cinq ans jusqu’à présent.

Le délai de contestation est donc réduit dans une proportion importante.

Par ailleurs, lorsque la contestation est portée devant le Conseil de Prud’hommes, la loi nouvelle prévoit que lors de l’audience de conciliation, les parties peuvent mettre un terme à leur désaccord par le versement au salarié d’une indemnité forfaitaire (qui s’ajoute à l’indemnité de licenciement) fixée selon un montant déterminé par un barème (article L 1235-1 du Code du travail). Pensez donc à prendre conseil auprès d’un avocat en droit du travail.

Ce barème, qui avait été établi par l’accord national interprofessionnel, et qui doit être repris par un décret bientôt à paraitre, est le suivant :

  • entre 0 et 2 ans d’ancienneté : 2 mois de salaire,
  • entre 2 et 8 ans d’ancienneté : 4 mois de salaire,
  • entre 8 et 15 ans d’ancienneté : 8 mois de salaire,
  • entre 15 et 25 ans d’ancienneté : 10 mois de salaire,
  • au-delà de 25 ans d’ancienneté : 14 mois de salaire.

Pour apprécier le montant de ce barème au regard des pratiques judiciaires habituelles, il importe de savoir qu’en cas de licenciement injustifié, d’un salarié ayant plus de 2 ans d’ancienneté, dans une entreprise comptant plus de 11 salariés, la loi prévoit qu’il a droit à une indemnité d’un montant au moins égal à 6 mois de salaire (article L 1235-3 du Code du travail)

Et il n’est pas rare qu’après 15 ans d’ancienneté, un salarié puisse se voir octroyer une indemnité égale à un an de salaire.

On mesure donc toute la différence !

Certes, le salarié qui ne sera pas satisfait du nouveau barème aura la faculté de poursuivre son action jusqu’à l’audience de jugement, mais il est à craindre que ce barème inspire dorénavant les Conseillers prud’homaux au moment de prononcer leur jugement.

C’était à n’en pas douter l’idée qui animait les signataires de l’accord national interprofessionnel.

Nous n’entendons pas sous-estimer les quelques avancées contenues dans la loi sur la sécurisation de l’emploi en faveur des salariés (notamment en matière de complémentaire santé et prévoyance, et de droits « rechargeables » à l’assurance chômage), mais il n’est pas certain que le poids l’effort soit justement réparti entre employeurs et salariés.

La crise peut-elle tout justifier ?

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