Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Des délais pour agir de plus en plus restreints

Les entraves placées ces dernières années par la Loi se sont multipliées afin de rendre plus difficile pour les salariés l’accès aux conseils de prud’hommes et de minorer le montant des indemnités auxquelles ils peuvent prétendre devant cette juridiction.

Au cours des quatre dernières années, la régression des droits individuels des salariés a été sans précédent ; conjonction d’une volonté exprimée de limiter le contentieux prud’homal et d’offrir des signaux positifs aux employeurs.

C’est d’abord la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a donner le ton, réduisant de 5 à 2 ans le délai de l’action en contestation du licenciement, et plus largement toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail.

Le délai de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail a ensuite été ramené à douze mois à compter de la notification de la rupture par la loi Macron n° 2018-217 du 29 mars 2018 (article L 1471-1 du contrat de travail).

Le délai de réflexion est donc désormais plus limité pour les salariés indécis !

La loi ramenait en outre de 5 ans à 3 ans le délai de prescription de l’action en paiement du salaire, qui s’applique aussi bien aux heures supplémentaires qu’aux rappels de primes et de rémunération variable entre autres (article L 3245-1 du Code du travail).avocat droit du travail

Puis vint la loi Macron du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui avait notamment envisagé d’instaurer un barème des indemnités accordées par le Juge prud’homal aux salariés dont le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse.

Le Conseil Constitutionnel y avait alors mis bon ordre et avait censuré ces dispositions au motif que le critère retenu, lié à l’effectif de l’entreprise, n’était pas en adéquation avec l’objet de la loi, au grand damne de celui qui était alors Ministre de l’économie.

Des obstacles supplémentaires pour complexifier la procédure prud’homale

Mais l’impétrant ne s’avouait pas vaincu, comme nous avons pu le constater…

Un nouvel obstacle résulte du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, entré en application le 1er août 2016.

Partant du constat, établi par un rapport du Président de la Chambre sociale de la Cour de cassation, révélant, outre les dysfonctionnements de la justice prud’homale, l’accroissement des litiges et la lenteur de leur traitement, ce décret comportait deux séries de mesures très importantes en pratique.

Tout d’abord, il rend nettement plus complexe la procédure devant le Conseil de Prud’hommes.

L’accès à cette juridiction avait, historiquement, été volontairement simplifié afin de le rendre ouvert au plus grand nombre, et en avait limité le formalisme.

Dorénavant, les étapes, de la saisine du Conseil de Prud’hommes à l’audience de jugement, requièrent une technicité qui rend quasiment indispensable le recours à un avocat compétent en droit du travail ou à un défenseur syndical, et empêchent les justiciables de se défendre seuls.

Il semblerait, à lire les premières informations sur le nombre d’affaires enrôlées, que l’objectif poursuivi, consistant à réduire le nombre de ces litiges, ait porté ses fruits et dissuadé de nombreux salariés dépités par ce chemin de croix, et ne voulant pas engager de frais.

L’exigence formaliste se poursuit au demeurant devant la Cour d’appel où la procédure, qui était orale et dispensée d’un carcan trop rigide, devient écrite et soumise à des délais impératifs, dont le non-respect s’apparente à un couperet pour les plaideurs.

Les délais de traitement des affaires ont-ils été réduits pour autant ? Rien n’est moins sûr dans le ressort des cours d’appel de Paris et de Versailles.

On aurait pu croire que la coupe était pleine avec la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 (loi « El Khomry »), qui outre sa profonde modification de la négociation collective, changeait, pour la restreindre, la définition du licenciement pour motif économique et autorisait, notamment, la minoration du paiement des heures supplémentaires.

Las, c’était sans compter sur l’instauration d’un référentiel indicatif, par le décret du 23 novembre 2016, prémisse à un plafonnement, impératif celui-ci, auquel le nouveau Président de la République et ancien Ministre frustré par la décision du Juge constitutionnel, n’avait pas renoncé (article R 1235-22.I du Code du travail).

Les ordonnances du 31 août 2017, constituent le dernier avatar.

Elles prévoient notamment de revenir sur l’indemnité de 6 mois de salaire pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse (réservée aux salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté, dans une entreprise employant plus de 11 salariés).

Cette somme est réduite de moitié, de 6 à 3 mois, pour un salarié ayant deux ans d’ancienneté, et l’indemnité sera plafonnée à 20 mois de salaire pour un salarié ayant 30 ans d’ancienneté (article L 1235-3 du Code du travail)

On reste d’ailleurs stupéfait devant le déséquilibre entre l’ampleur des mesures annoncées en faveur des entreprises et la faiblesse de celles au bénéfice des salariés (augmentation du montant de l’indemnité légale de licenciement, favoriser le recours au télétravail, mais guère plus).

Ces coups de boutoir risquent d’en décourager plus d’un à contester son licenciement ou à vouloir faire respecter ses droits ; on l’aura compris, c’est précisément le résultat recherché !

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