Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Le pouvoir règlementaire aura déployé un surcroit d’activité à nulle autre pareil au cours de la fin de l’année 2017, alors que cette période connaît habituellement un tempo ralenti rythmé par la trêve des confiseurs.

De nombreuses dispositions des ordonnances Macron du 22 septembre 2017, intéressant le droit du travail, devant entrer en vigueur le 1er janvier 2018 nécessitaient la parution de décrets apportant des précisions, ce qui a justifié cette frénésie.

C’est notamment le cas en matière de licenciement pour motif économique.

Force est de constater qu’en l’espace d’un peu plus d’un an, la définition du licenciement pour motif économique a connu deux profondes modifications, touchant aussi bien la cause économique du licenciement que l’obligation de reclassement.

Modification du périmètre d’appréciation de la cause économique

1La loi El Khomri n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels avait notamment énuméré les indicateurs économiques à prendre en considération afin d’appréhender la réalité des difficultés économiques, et intégré la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation applicable au périmètre d’appréciation de la cause économique.

Elle n’avait pas osé remettre en cause cette jurisprudence, le motif économique étant toujours apprécié au niveau de l’entreprise, si elle était indépendante, et lorsque celle-ci était intégrée à un groupe, au niveau du secteur d’activité auquel appartenait l’entreprise, incluant les sociétés situées à l’étranger lorsqu’il s’agissait d’un groupe de dimension internationale.

La loi nouvelle revient donc sur cette définition et en prend le contrepied, ce qui constitue un camouflet cinglant à l’égard des juges, révélant une défiance certaine à leur égard.

Mais elle donne satisfaction aux employeurs qui réclamaient à corps et à cri de réduire ce périmètre au territoire national.

L’article L 1233-3 du Code du travail prévoit désormais que :

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

De sorte que la cause économique de licenciement s’appréciera en toutes circonstances au niveau national.

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, il conviendra de prendre en compte uniquement la situation des entreprises relevant du même secteur d’activité établies en France.

Ce périmètre restreint laisse ainsi aux groupes de dimension internationale structurés la possibilité de placer volontairement leur filiale française dans une situation économique difficile si la décision est prise de transférer pour des raisons de rentabilité leur activité vers un pays à faible coût de main d’œuvre.

En cas de contestation de son licenciement par le salarié, il pourra invoquer, le cas échéant, l’abus de droit et/ou la légèreté blâmable de l’employeur.

La notion de groupe retenue par la loi nouvelle est par ailleurs celle qui avait été précisée par un arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2016, par référence à une entreprise dominante qui en contrôle d’autres (Cass. soc. 16 nov. 2016 n° 14-30063).

Enfin, le secteur d’activité, que l’on peinait à définir est dorénavant caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Pas sûr que cette définition se révèle d’un apport déterminant !

Obligation de reclassement : validation de l’envoi d’une liste de postes

2- S’agissant de l’obligation de reclassement, les ordonnances Macron reviennent également sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

On se souvient que l’employeur devait faire des offres de reclassement précises, concrètes et personnalisées au salarié et non se borner à lui adresser, ou à afficher, une liste de postes à pourvoir ouverts à l’ensemble des salariés ; à défaut le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 3 fév. 2017 n° 15-27606).

Le nouvel article L 1233-4 du Code du travail en fait désormais fi, et énonce que « l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. »

L’employeur dispose donc d’une option entre une offre personnalisée, qui devra répondre aux exigences jurisprudentielles, et la diffusion d’une liste des postes disponibles.

On peut, sans grand risque de se tromper, supposer que la diffusion d’une liste aura les faveurs de l’employeur.

A cet égard, le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 introduit dans le code du travail un article indiquant le contenu de ces offres (intitulé du poste, localisation, niveau de rémunération, classification…), il précise en outre que le salarié disposera d’un délai de 15 jours au moins pour présenter sa candidature (article D 1233-2-1 nouveau).

La liste devra en outre prévoir les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste.

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