Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Vie privée et retrait du permis de conduire en dehors du temps de travail

Les deux temps de l’existence que sont la vie privée et la vie professionnelle peuvent connaître des interférences qui ne sont pas sans conséquence pour le salarié.

En voici deux illustrations récentes, aux solutions opposées.

Un salarié s’était vu retirer son permis de conduire, en dehors de l’exécution de son contrat de travail, en raison de la perte de la totalité de ses points à l’occasion de la commission de plusieurs infractions au Code de la route.

Or, l’intéressé ayant besoin de son permis de conduire pour l’exécution de ses fonctions, son employeur s’était cru autoriser à le licencier pour faute grave au motif qu’il n’était pas en mesure de conduire le véhicule mis à sa disposition dans l’exercice de ses fonctions.

A tort a jugé la Cour de cassation, qui précise qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc 3 mai 2011, n° 09-67464), ce qui n’était pas le cas en l’occurrence.

Ce qui ressort du domaine de la vie privée ne peut donc être sanctionné par une faute grave, sauf s’il s’agit également de la violation d’une obligation qui résulte du contrat de travail.

Comportement dans la vie privée et violation d’une obligation qui résulte du contrat de travail

Ou se situe la ligne rouge ? c’est à cette question qu’il a été répondu (Cass. soc 27 mars 2012, n° 10-19915).

Un salarié, membre du personnel navigant commercial d’une compagnie aérienne avait été licencié pour faute grave, après que son employeur se soit aperçu qu’il avait consommé des drogues dures à l’escale entre deux longs courriers.

Il contestait son licenciement invoquant que ce fait relevait de sa vie personnelle et ne pouvait donc donner lieu à sanction.

Son raisonnement n’a pas été suivi par les magistrats, qui ont considéré que le salarié appartenait au personnel critique pour la sécurité, et qu’ayant consommé des drogues dures entre deux escales, il se trouvait sous l’influence de produits stupéfiants pendant l’exercice de ses fonctions et qu’il n’avait pas respecté les obligations prévues par son contrat de travail, faisant courir un risque aux passagers, ce qui légitimait son licenciement pour faute grave.

Cette décision était donc motivée par le manquement de l’intéressé à son obligation de sécurité, qui faisait courir un risque inadmissible aux passagers.

Accident avec un véhicule de l’entreprise de retour d’une obligation professionnelle

Un salarié est licencié pour faute grave après avoir provoqué un accident avec un véhicule de l’entreprise, sur le trajet de retour à son domicile en rentrant d’un salon professionnel.

Il apparait que l’intéressé avait un taux d’alcoolémie au-delà de ce qui est admissible.

Le salarié conteste son licenciement, faisant valoir que l’accident s’était produit après 22 heures, et que l’employeur n’établissait pas qu’il avait travaillé jusqu’à 22 heures, faute de produire l’horaire de fermeture du salon professionnel auquel il s’était rendu et que ses bulletins de paie ne faisaient apparaître aucune majoration d’heures supplémentaires.

Il soutient que le motif de licenciement était tiré de sa vie personnelle.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne suit pas son raisonnement et valide son licenciement.

Elle relève que les faits visés dans la lettre de licenciement, dont le salarié ne contestait pas la matérialité, avaient été commis, alors qu’il conduisait sous l’empire d’un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d’un salon professionnel, où il s’était rendu sur instruction de son employeur, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.

Son licenciement était en conséquence justifié (Cass. soc. 19 janv. 2022 n° 20-19742).

C’est ici le rattachement des faits à la vie professionnelle du salarié qui constitue l’élément déterminant.

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