Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Licenciement pour motif économique et rupture conventionnelle

Licenciement pour motif économique et rupture conventionnelle

Lorsqu’une entreprise, qui emploie au moins cinquante salariés, connaît des difficultés économiques et qu’elle envisage de procéder à des licenciements pour ce motif concernant plus de 10 salariés, sur une même  période de trente jours, la loi lui impose de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (article L 1233-61 du Code du travail).

Ce vocable désigne ce que les médias appellent communément un « plan social ».

Ce « plan social » doit comporter des mesures ayant pour objet d’éviter les licenciements ou d’en limiter le nombre, et intègre un plan de reclassement des salariés.

La procédure attachée à la mise en œuvre d’un tel plan est assez lourde et contraignante pour l’employeur.

Elle nécessite qu’il informe et consulte le comité d’entreprise, ce comité pouvant, le cas échéant, se faire assister d’un expert comptable afin d’examiner les comptes de l’entreprise.

 

L’employeur doit en outre transmettre ce plan à l’administration du travail, afin qu’elle exerce sa vigilance.

Bien que la plupart des chefs d’entreprise se prêtent à cette obligation légale sans rechigner, certains déploient des trésors d’imagination pour s’affranchir de ce qu’ils interprètent comme une entrave à leur omnipotent pouvoir de direction.

Ils choisissent ainsi, par exemple, de multiplier les licenciements pour motifs personnels en usant de prétextes fallacieux.

Un autre moyen assez simple d’éluder la loi, consiste à conclure des ruptures conventionnelles, afin de soustraire ces ruptures du décompte légal.

Mais la Cour de cassation a cependant tôt fait de déjouer ce stratagème.

Elle a en effet jugé en 2011 que les ruptures conventionnelles ayant pour origine un motif économique devaient être prises en compte pour l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc. 9 mars 2011, n° 10-11581).

Dans ce contexte, les Hauts magistrats viennent d’apporter une précision supplémentaire (Cass. soc. 29 oct. 2013 n° 12-15382).

L’affaire concernait une entreprise qui connaissait des difficultés économiques, et qui avait mis en œuvre un projet de licenciement pour motif économique portant sur sept salariés.

L’un des salariés licenciés avait saisi le Conseil de Prud’hommes, afin que la nullité de la rupture de son contrat de travail soit prononcée pour défaut de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

La loi dispose à cet égard qu’en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, alors que l’employeur était tenu d’en établir un, la procédure de licenciement est nulle (L 1235-10 du Code du travail)

Le succès d’une telle action devant la juridiction prud’homale emporte des conséquences non négligeables en termes d’indemnisation pour le salarié.

En effet, s’il obtient gain de cause, le juge qui constate la nullité doit lui octroyer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (article L 1235-11 du Code du travail).

L’intéressé soutenait en l’occurrence qu’au cours des mois précédant son licenciement, son employeur avait conclu des ruptures conventionnelles qui auraient dues être prises en compte dans le calcul du seuil d’effectif édicté par la loi.

Afin d’éviter que les entreprises se livrent à un étalement des licenciements dans le temps pour se soustraire à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi,  le législateur a en effet prévu que lorsqu’une entreprise a procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants est pris en considération (article L 1233-26 du Code du travail).

Le salarié avait été suivi dans son argumentation par la Cour d’appel, qui avait intégré les ruptures conventionnelles conclues antérieurement, et dont l’origine économique ne faisait pas de doute.

La Cour de cassation, saisie par l’employeur, ajoute une précision d’importance.

Elle considère que si les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte, lorsqu’elles constituent une modalité d’un processus de réduction des effectifs pour cause économique, c’est à la condition que les contrats que les contrats de travail aient été rompus après homologation des conventions par l’administration du travail.

On se souvient en effet que la validité d’une rupture conventionnelle est subordonnée à son homologation, la plupart du temps implicite, par la direction du travail (DIRECCTE).

Or, au cas particulier, l’administration avait refusé d’homologuer plusieurs ruptures conventionnelles.

Il y a donc lieu de retenir de cette décision que seules sont prises en considération les ruptures conventionnelles ayant pour origine un motif économique qui ont été homologuées, et par voie de conséquence, qui entrainent effectivement la rupture du contrat de travail.

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