Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

C’est avec une extrême brutalité que les salariés américains de la start-up ZIRTUAL, qui a pour activité la mise à disposition d’assistants virtuels aux entreprises, ont appris leur licenciement.

Le 10 août dernier, dans un mail envoyé à 1h34 du matin aux 400 salariés de cette entreprise, l’employeur les informait sans autre indication qu’il « cessait ses opérations, à effet immédiat », et en conséquence, que leurs contrats de travail étaient rompus.

La nouvelle a d’autant plus surpris les intéressés que l’entreprise, créée en janvier 2014, avait connu une forte croissance, et récemment procédé à une levée de fonds de 5,5 M$.

On imagine aisément la stupéfaction, et probablement la colère, ressentie par ces salariés auxquels rien ne laissait présager un tel destin ; la récente baisse d’activité étant à mettre sur le compte du ralentissement lié à la période estivale.

L’attitude de l’employeur, incapable de se justifier, s’est en outre révélée calamiteuse, ne faisant qu’ajouter à la rancœur.

Refusant de communiquer et de répondre aux interrogations légitimes des salariés et des journalistes, il a fermé sa page Facebook, ainsi que ses comptes Twitter et Google +, se murant dans un mutisme absolu.

Cette information, qui ne peut laisser indifférent, a suscité une vague d’indignation dans un pays où le droit du travail est pourtant nettement moins protecteur que celui que nous connaissons.

Au point que l’émoi provoqué a traversé l’océan, relayé par plusieurs de nos médias nationaux.

On apprendra en définitive quelques jours plus tard que la société a été cédée à une autre, STARTUPS.CO  qui ne reprendra qu’une petite partie du personnel congédié.

Les salariés licenciés ont heureusement pris le parti de se défendre et de contester la rupture de leur contrat de travail, arguant notamment de l’absence d’un préavis de 60 jours dont ils auraient dû bénéficier, l’employeur ayant méconnu à cet égard les règles de droit du travail applicables aux Etats-Unis.

On ne peut s’empêcher de chercher des comparaisons avec notre pays et de constater l’existence de quelques similitudes.

Souvenons-nous ainsi, entre autres, qu’en mars 2001, la chaine de magasins MARKS & SPENCER avait diffusé un communiqué précisant son intention de « cesser son activité commerciale en France », entrainant la fermeture de 18 magasins et le licenciement de 1 700 personnes.

La rudesse de cette communication avait en son temps également provoqué une levée de bouclier des intéressés et des médias.

Certes, l’employeur avait par la suite observé le formalisme requis en procédant à des licenciements pour motif économique, mais la pilule avait un goût amer…

Mais qu’en serait-il si des salariés recevaient aujourd’hui un mail de leur employeur les informant, sans autre précision, de leur licenciement à effet immédiat ?

Un tel procédé ne répond assurément pas aux exigences légales.

Le Code du travail impose en effet à l’employeur, dans la plupart des cas, de convoquer le salarié à un entretien préalable afin de lui exposer les motifs de licenciement, puis de lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception (article L 1232-6 du Code du travail).

Toutefois, en dépit de ce texte, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que la lettre recommandée avec avis de réception n’était qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement (Cass. soc. 7 juill. 2010 n° 08-45139).

De sorte que la preuve de la notification du licenciement peut être apportée par tous moyens, et les Hauts magistrats ont notamment considéré que le témoignage de la responsable administrative d’une société établissant que la lettre de licenciement avait été notifiée à une salariée par une remise en main propre et que cette dernière en avait eu connaissance, était valable (Cass. soc. 29 sept. 2014 n° 12-26932).

Si, à ce stade, la Cour de cassation n’a pas encore franchi le pas de la reconnaissance de la licéité d’un licenciement par mail, il n’est pas à exclure que ce jour arrive, si l’employeur parvient à prouver que le salarié en a eu connaissance.

Reste néanmoins qu’il aura en toute hypothèse à justifier de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, et qu’il devra également observer l’exécution d’un préavis.

Ainsi, dans ces circonstances, le salarié congédié par mail pourrait a minima espérer obtenir l’allocation de dommages intérêts pour procédure irrégulière, liés à l’absence d’entretien préalable, voire d’une indemnité compensatrice de préavis et d’indemnités pour licenciement dépourvu de cause de réelle et sérieuse, pour autant que l’employeur n’invoque aucun motif, ou que ce motif soit jugé injustifié.

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