Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le forfait jours, qu’est ce que c’est ?

Contrairement à une croyance couramment répandue, les cadres sont comme les autres salariés, assujettis à la durée légale du travail. En conséquence, dés lors que leur temps de travail excède trente cinq heures hebdomadaires, l’employeur est redevable du paiement des heures supplémentaires.

Afin de contourner cette difficulté pour les entreprises, le législateur a institué le « forfait jours » permettant la conclusion de conventions individuelles de forfait sur l’année, sans référence à la durée hebdomadaire du travail.

Le Code du travail autorise ainsi les salariés à conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite d’un maximum de 218 jours par an (article L 3121-58 du Code du travail).

Ces conventions s’appliquent aux cadres, et depuis 2008 aux autres salariés, qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.

Pour être valables, elles nécessitent un accord écrit du salarié et doivent être prévues par un accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou de branche).

En contrepartie de la sujétion qu’elle impose au salarié, celui-ci bénéficie d’un certain nombre de jours de repos supplémentaires (RTT…).

Le salarié reste soumis à la durée légale du travail, notamment aux exigences relatives aux temps de repos

Les limites fixées à la durée du travail restent néanmoins applicables dans la plupart de leurs dispositions,

Notamment celles prévoyant un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives, ainsi qu’à l’interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine, ce qui, cumulé, porte le repos hebdomadaire à une durée d’au moins 35 heures.

Les organisations syndicales se sont érigées contre les abus auxquels pouvaient donner naissance un tel dispositif.

Le 23 juin 2010, le Comité Européen des Droits Sociaux, saisi par plusieurs organisations  syndicales dont la CGT, a jugé le forfait jours non conforme à la Charte sociale européenne.

Cette décision, sans valeur contraignante, a cependant un poids politique considérable.

A sa suite, la Cour de cassation s’est prononcée sur le sujet, la presse s’en étant largement fait l’écho (Cass. Soc 29 juin 2011, n° 09-71107).

Les Juges, contrairement à l’instance européenne, ont confirmé la validité des forfaits jours, mais l’ont assortie de certaines conditions.

L’employeur doit s’assurer que le temps de travail du salarié reste d’une durée raisonnable

Ils ont d’abord proclamé que le droit à la santé et au repos était une exigence fondamentale.

En outre, sous peine d’être invalidés, la plupart des accords collectifs prévoyant la conclusion des forfaits jour doivent mettre en place des dispositifs de contrôle imposant de faire apparaître sur un document spécifique le nombre de jours travaillés, leur date, ainsi que le nombre de jours de repos.

La loi impose également la tenue d’un entretien annuel entre l’employeur et le salarié portant sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise (article L 3121-64 du Code du travail).

L’employeur doit en outre mettre en œuvre un suivi régulier du forfait jours.

La Cour de cassation a jugé que lorsque l’employeur n’observait pas les exigences posées par l’accord collectif, relativement au dispositif de contrôle institué, la convention de forfait en jours est privée d’effet et le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

En clair, si les contrôles prévus ne sont pas appliqués, on en revient à la durée légale et au paiement des heures supplémentaires…

Franc Muller – Avocat licenciement, ParisRupture du contrat de travail à l’initiative du salarié : dommages intérêts et préavis
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