Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La clause de non-concurrence n’est pas exclusivement à l’avantage de l’employeur

On l’oublie trop souvent, la clause de non-concurrence ayant valeur contractuelle est stipulée dans l’intérêt des deux parties, et ne doit donc pas profiter exclusivement à l’employeur, le salarié devant également y avoir avantage.

Le droit du travail est une matière profondément imprégnée de droit civil et le contrat de travail nous en fournit un bon exemple.

Ce contrat est qualifié de contrat synallagmatique, c’est à dire, selon la définition qui en est donnée par le dictionnaire du vocabulaire juridique, un contrat qui engendre des obligations réciproques et interdépendantes.

Cette qualification permet de mieux appréhender le fait que la clause de non-concurrence ne saurait avoir pour objet de satisfaire exclusivement l’employeur, mais qu’elle doit également profiter au salarié.

On se souvient au demeurant qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.

Cette dernière condition ayant été énoncée avec force par la Cour de cassation en 2002 (Cass. soc 10 juillet 2002 n° 00-45387).

Les Juges considèrent en outre que la contrepartie financière à la clause de non-concurrence est due quel que soit l’auteur de la rupture, employeur ou salarié.

Ainsi, la Cour de cassation avait jugé que méconnaissait la liberté fondamentale du salarié d’exercer une activité professionnelle, et était donc nulle, la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (Cass. soc 31 mai 2006 n° 04-44598).

De même qu’est nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié (Cass. soc 27 fév. 2007 n° 05-44984, Cass. soc. 15 mars 2023, n° 21-16810).

La déclinaison de cette règle a pour effet qu’un salarié ne peut être privé du versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence lorsqu’il démissionne.

De la même manière, la clause relative à l’indemnité de non-concurrence figurant dans le contrat de travail ne peut prévoir expressément qu’en cas de démission, l’indemnité serait réduite de moitié, une telle stipulation est réputée non écrite (Cass. soc 25 janv. 2012 n° 10-11590).

La Cour de cassation juge, de façon intangible, que doit être réputée non écrite la minoration par les parties, dans le cas d’un mode déterminé de rupture du contrat de travail, de la contrepartie pécuniaire d’une clause de nonconcurrence (Cass. soc. 9 avril 2015 n° 13-25847).

La jurisprudence est en effet établie en ce sens que « le salarié lié par une clause de non-concurrence devant bénéficier d’une contrepartie financière, les parties ne peuvent dissocier les conditions d’ouverture de l’obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation. »

Dans son prolongement, une nouvelle affaire suscite l’attention.

Un salarié, dont le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, en avait été libéré par l’employeur en cours d’exécution le 7 avril 2010, et avait été licencié deux mois plus tard.

Le contrat qui les liait stipulait que les parties étaient convenaient d’une clause de non-concurrence pendant un délai d’un an à compter de la rupture du contrat de travail, renouvelable une fois, aux termes de laquelle l’entreprise pouvait lever ou réduire l’interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail.

Le salarié en contestait la validité, estimant que l’employeur ne pouvait valablement s’en délier au cours de l’exécution du contrat, et réclamait le paiement de la clause de non-concurrence qui y était prévue.

La Cour de cassation lui donne raison et juge que « la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière, est stipulée dans l’intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l’exécution de cette convention » (Cass. soc 11 mars 2015 n° 13-22257).

De sorte que sauf hypothèse prévue par le contrat de travail (ou un accord collectif) prévoyant éventuellement les conditions dans lesquelles il pourrait seul y renoncer unilatéralement, l’employeur n’est pas seul à en décider.

La clause de non-concurrence est un mécanisme parfaitement licite, mais encore doit-il être appliqué de bonne foi…

Les détails sur votre interrogationRupture conventionnelle et/ou licenciement
Contestation de la rupture et CSP