Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La clause de garantie d’emploi, qu’est-ce que c’est ?

La difficulté de trouver un emploi ne touche pas de façon égale tous les salariés qui en sont privés, il se trouve même certains privilégiés pour lesquels les propositions ne manquent pas et pour qui les employeurs sont prêts à multiplier les avantages afin de les convaincre de rejoindre leur entreprise : distribution de stocks options ou d’actions gratuites, « golden parachute »

Dans cette palette attractive, la clause de garantie d’emploi figure en bonne place, elle offre en effet à son bénéficiaire l’assurance de conserver son emploi pendant toute la durée qui y est prévue, et le met ainsi à l’abri des vicissitudes que peut connaître l’entreprise.

En cas de non-respect par l’employeur, il s’expose à devoir payer au salarié une indemnité forfaitaire couvrant la période de garantie d’emploi.

Rares sont les décisions de la Cour de cassation qui ont à statuer sur ce sujet, ce qui ne les rend que plus intéressantes.

Les hauts magistrats viennent de juger que « le contrat comportant une clause de garantie d’emploi ne peut être rompu pendant la période couverte par la garantie qu’en cas d’accord des parties, de faute grave du salarié ou de force majeure » (Cass. soc 15 avril 2015, n° 13-21306 13-22469).

Le contrat de travail d’un salarié comportait une clause libellée ainsi :

La société … s’engage, sous réserve que la période d’essai se révèle satisfaisante, à vous garantir la stabilité de votre emploi pendant une période de huit ans courant à compter de votre entrée dans la société ; toutefois, au cas où le présent contrat viendrait à être rompu par la société … ou par toute autre entité juridique s’y substituant et pour quelque cause que ce soit à l’exception d’une faute lourde qui vous serait imputable, (…), la société … ou par tout autre entité juridique s’y substituant s’obligerait à vous verser, outre votre indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité contractuelle d’un montant net correspondant celui des salaires bruts restant à percevoir jusqu’au terme de la période de garantie d’emploi stipulée ci-dessus ; au cas où le présent contrat viendrait à être rompu pendant les trois dernières années de la période de garantie d’emploi par la société … ou par tout autre entité s’y substituant, et pour quelque cause que ce soit à l’exception d’une faute lourde qui vous serait imputable, la société … ou par tout autre entité s’y substituant, s’obligerait à vous verser, outre votre indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité contractuelle d’un montant net correspondant à trois années de rémunération brute.

Un an après son embauche, l’intéressé avait été écarté de la vie de l’entreprise, et victime de harcèlement moral.

A la suite des agissements de son employeur, qui avaient gravement altéré son état de santé, il avait été placé en arrêt maladie pour une longue période, puis trois ans après, mis en invalidité.

Il avait finalement été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

Effet de la clause de garantie d’emploi après un licenciement

Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale, contestant la validité de son licenciement, il sollicitait l’application de la clause de garantie d’emploi.

C’est dans ce contexte que les hauts magistrats ont jugé que l’inaptitude du salarié trouvait son origine dans la situation de harcèlement moral dont il avait été la victime, ce dont il résultait que la rupture du contrat de travail ne procédait ni de l’accord des parties, ni d’une faute grave ou de force majeure, de sorte que la clause était parfaitement valable.

Pour autant, la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, avait qualifié cette clause, prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas de violation de la garantie d’emploi, de « clause pénale », et en avait réduit le montant après avoir constaté que l’indemnité convenue était manifestement excessive.

L’(ancien) article 1152 du Code civil dispose en effet que le Juge peut modérer le montant d’une clause pénale si elle est manifestement, et l’adverse est important, excessive.

La Haute Juridiction juge en conséquence que la clause contractuelle qui prévoyait le versement d’une indemnité forfaitaire en cas de violation de la garantie d’emploi n’avait pas été stipulée pour tenir compte de la difficulté pour le salarié de retrouver sa situation antérieure d’expert comptable libéral, de sorte qu’elle constituait une clause pénale que la Cour d’appel avait pu réduire dans des proportions qu’elle a souverainement évaluées, après avoir constaté que l’indemnité convenue était manifestement excessive.

Mais attention en cas de démission !

Le contrat de travail d’un salarié prévoyait le versement dans les trente jours de son entrée en fonction d’une prime initiale d’un montant de 150 000 euros, qu’il devrait rembourser partiellement en cas de démission dans les trente six mois suivant son embauche.

Un an et trois mois après avoir été engagé, le salarié présentait sa démission.

L’employeur l’avait alors fait citer en justice pour obtenir le remboursement partiel de la prime qu’il lui avait versée.

La Cour d’appel avait rejeté sa demande, estimant que la condition stipulée dans le contrat, avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ainsi atteinte à la liberté de travailler de l’intéressé.

La Chambre sociale de la Cour de cassation n’est pas de cet avis et donne au contraire raison à l’employeur et énonce :

Une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versementet prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission (Cass. soc. 11 mai 2023 n° 21-25136).

Prudence donc avant de quitter l’entreprise !

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