Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le contexte

Pour couronner une année déjà riche en décisions statuant sur la validité de ruptures conventionnelles du contrat de travail, la Cour de cassation vient de préciser un point déterminant, portant sur le délai d’homologation de la convention par l’autorité administrative.

L’affaire concernait un salarié, victime d’un accident du travail, qui se trouvait en arrêt de travail jusqu’au 1er mars 2010.

Pendant la durée de suspension de son contrat de travail, les parties concluaient une convention de rupture le 15 février 2010.

Passé le délai de rétractation, la convention était transmise à l’administration à fin d’homologation, qui la recevait le 5 mars 2010.

L’autorité administrative a alors procédé en deux temps : le 22 mars 2010, elle prenait une décision de refus d’homologation, puis après s’être ravisée, la direction du travail faisait savoir aux parties, le 12 avril 2010, qu’elle homologuait la convention de rupture.

Sur ces entrefaites, et devant cette volte-face, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande en nullité de la convention de rupture.

 Il en est débouté.

Rappel des conditions de validité de la rupture conventionnelle

La Haute juridiction rappelle, en préalable, deux règles qu’elle avait déjà posées, affermissant ainsi sa position.

L’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue.

Cette solution, constante depuis mai 2013, bien que contestable, trouve ici application au regard du contexte litigieux opposant le salarié à son employeur (Cass. soc. 23 mai 2013 n° 12-13865).

2° Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Il s’agit de la confirmation d’un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 30 septembre 2014 (Cass. soc. n° 13-16297).

On rappellera au passage qu’en considération de cette jurisprudence, excessivement restrictive, les possibilités offertes au salarié de faire requalifier une rupture conventionnelle en licenciement, sont limitées à la fraude de d’employeur ou à un vice du consentement.

Mais l’intérêt de cet arrêt réside ailleurs.

Homologation implicite de la convention en l’absence de notification de refus dans les 15 jours ouvrables suivant la réception de la demande

Le Code du travail prévoit en effet que l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande d’homologation de la convention ; à défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie (article L 1237-14 du Code du travail).

La Cour de cassation en déduit que « doit être regardée comme implicitement homologuée toute convention de rupture pour laquelle une décision administrative expresse n’a pas été notifiée aux parties à la convention dans les quinze jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’homologation » (Cass. soc. 16 déc. 2015 n° 13-27212).

Il convient de préciser que sont considérés comme jours ouvrables « tous les jours qui ne sont pas, ou bien consacrés au repos hebdomadaire légal, ou bien reconnus fériés par la loi et habituellement chômés dans l’établissement », selon une ancienne circulaire du Ministère du travail  (n° 4/56 du 9 avril 1956 modifiée, et 32/69 du 18 juin 1969).

La Cour d’appel avait jugé, pour annuler la rupture conventionnelle, que par lettre du 22 mars 2010, la direction du travail avait pris une décision expresse de refus d’homologation, de sorte qu’il ne pouvait y avoir d’homologation tacite.

Or, ce refus d’homologation avait été notifié à l’employeur le 24 mars 2010.

Les Hauts magistrats censurent les Juges d’appel, leur reprochant de ne pas avoir précisé si cette lettre était parvenue aux parties au plus tard le 23 mars 2010 à minuit, date d’échéance du délai de quinze jours ouvrables dont disposait l’administration pour leur notifier sa décision expresse, une décision implicite d’homologation étant à défaut acquise.

En d’autres termes, soit la lettre de refus d’homologation, datée du 22 mars 2010, était parvenue à ses destinataires avant le 23 mars 2010 à minuit, auquel cas le refus d’homologation express produisait effet, soit, elle leur était parvenue après cette date, et dans ce cas, l’homologation implicite était acquise.

La date de réception, qui vaut notification, est donc primordiale.

C’est arrêt illustre au demeurant le caractère déterminant qu’il y a lieu d’accorder aux délais en droit du travail, et plus largement, au droit en règle générale…

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