Franc Muller – Avocat droit social, Paris

 

Les congés payés doivent être pris par le salarié

Les congés annuels sont un droit pour les salariés, ils correspondent à un temps qui leur est imparti afin de se reposer en contrepartie du travail qu’ils ont fourni.

Mais il arrive que des salariés très (trop ?) impliqués dans leur travail, ou assujettis à des contraintes professionnelles, ne prennent pas l’intégralité des congés qu’ils ont acquis au cours de la période de référence, ce qui a pour effet de leur faire perdre ce droit à congés.

Les congés payés ayant été institués pour être pris, ces salariés ne peuvent a priori espérer bénéficier d’aucune indemnité, sauf à compter sur la mansuétude, jamais acquise, de leur employeur.

La jurisprudence ne permettait au salarié d’obtenir des dommages intérêts que lorsqu’il démontrait avoir été dans l’impossibilité de prendre ses congés payés du fait de l’employeur ; donc concrètement, que c’est l’attitude de l’employeur qui l’en avait empêché (Cass. soc 15 déc. 2010 n° 08-42290).

Il en va au demeurant de même, s’agissant des jours de RTT, la Cour de cassation ayant jugé « qu’à défaut d’un accord collectif prévoyant une indemnisation, l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n’ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur » (Cass. soc 18 mars 2015 n° 13-16369).

Mais la preuve, qui reposait sur le salarié, n’était pas forcément aisée à rapporter.

L’apport du Droit Européen dans la charge de la preuve que le salarié a été mis en mesure de prendre ses congés payés

Une directive européenne est à l’origine d’un apport déterminant à ce sujet, inspirant à la Cour de cassation un reversement de la charge de cette preuve, la faisant peser sur l’employeur.

Il s’agit de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Sans rentrer dans les détails d’une argumentation juridique, il faut préciser que la Cour de Justice de l’Union Européenne, s’appuyant sur cette directive, considère que

le droit au congé annuel est un principe général du droit de l’Union européenne qui revêt une importance particulière, ayant pour objet d’assurer au salarié un repos effectif dans un souci de protection de sa santé et de sa sécurité.

Forte de ces principes, et de la ressource offerte par le droit européen, la Cour de cassation a donc récemment opéré un revirement de jurisprudence, en jugeant « qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement » (Cass. soc 13 juin 2012, n° 11-10929).

Cette nouvelle règle constitue un changement salutaire.

C’est désormais, sans ambigüité, à l‘employeur de démontrer qu’il a été actif afin que le salarié prenne les congés auxquels il a droit

Il devra à cet égard justifier avoir porté à la connaissance des salariés au moins deux mois à l’avance la période de prise des congés payés, comme la loi le prévoit (article D 3141-5 du Code du travail).

Le salarié reste néanmoins soumis à l’obligation de demander à l’employeur d’autoriser sa période de congés, qui relève de son pouvoir de direction.

Il importe de rappeler que la date de départ en congé, fixée par l’employeur après qu’il ait accédé à la demande du salarié, ne peut être modifiée un mois avant la date du départ prévue, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (article L 3141-16 du Code du travail).

Faute de satisfaire à ces exigences, et d’avoir ainsi fait obstacle à sa prise de congés payés, l’employeur s’expose à être condamné à payer au salarié des dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de prendre ses congés annuels.

Une règle qui s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle

Certaines conventions collectives ou des accords d’entreprise octroient au salarié un nombre de jours de congés supérieur aux dispositions légales.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que « sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle, s’ajoutant aux quatre semaines garanties par le droit de l’Union » (Cass. soc. 21 sept. 2017 n° 16-18898).

L’employeur doit donc justifier avoir permis au salarié de prendre non seulement ses congés prévus par la loi, mais également ceux qui s’y ajoutent et qui lui ont été accordés par accord d’entreprise ou par l’effet d’une convention collective.

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