Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Jusqu’à ce jour, il était acquis que l’employeur ne pouvait modifier comme bon lui semblait la rémunération d’un salarié, cet élément constituant un « socle » du contrat de travail

La modification de la rémunération supposait donc, pour être valable, l’accord des deux parties, de sorte par exemple, qu’un employeur ne pouvait modifier à son gré le taux de commissionnement d’un salarié, lorsque celui-ci était prévu par le contrat de travail.

Tirant les conséquences de ce qui précède, les Juges considéraient en conséquence qu’un salarié était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, lorsque son employeur avait modifié unilatéralement son taux de commissionnement, en lui appliquant un taux inférieur, sans justifier de son accord ; ce qui était de nature à faire obstacle à l’exécution de la mission du salarié (Cass. soc 15 mai 2013, n° 11-26784).

Modification du contrat par l’employeur

Modification du contrat par l’employeur

La Cour de cassation avait d’ailleurs énoncé en forme de principe, soulignant le sacrosaint caractère attribué à la rémunération, que « la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié » (Cass. soc 18 mai 2011 n° 09-69175).

Ainsi, même si le nouveau mode de rémunération était plus avantageux pour le salarié, le seul fait que l’employeur l’ait modifié sans son accord rendait ce changement illicite.

Sans revenir formellement sur cette règle, les Juges semblent dorénavant nuancer leur position.

En effet, par deux arrêts prononcés le 12 juin 2014, la Cour de cassation décide désormais que lorsque la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur représente une faible partie de la rémunération, ce manquement n’empêche pas la poursuite du contrat de travail (Cass. soc 12-29063 et Cass. soc 13-11448).

Dans la première affaire, un employeur avait notifié à un salarié qui exerçait une fonction de VRP, une baisse de son taux de commissionnement, en 2005

L’intéressé avait saisi le Conseil de Prud’hommes quatre ans plus tard, en 2009, d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Cette procédure consiste à solliciter du Juge qu’il constate que les graves manquements au contrat de travail commis par l’employeur, en rendent la poursuite impossible, étant précisé que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais à la différence notable de la prise d’acte, le salarié ne quitte pas immédiatement l’entreprise, car la résiliation judiciaire est prononcée par le Juge à la date à laquelle il statue, de sorte que le salarié continue à exercer ses fonctions dans l’intervalle, ce qui peut lui conférer une posture délicate…

En l’espèce, le salarié avait été débouté de ses demandes devant les Juges du fond.

La Cour de cassation ne lui réserve pas un accueil plus favorable, en décidant que «  la créance de salaire résultant de la modification unilatérale du contrat de travail représentait une faible partie de la rémunération, ce manquement de l’employeur n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail ».

Dans la seconde affaire, un attaché commercial avait conclu un contrat de travail prévoyant le versement d’une rémunération fixe complétée par des commissions calculées à des taux variables

Un avenant lui avait été proposé ultérieurement, à effet rétroactif, en vue de la modification de sa rémunération, qu’il avait refusée.

Il avait également saisi le Conseil de Prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Son action n’a pas davantage prospéré et se heurte, une fois encore, à la critique de la Cour de cassation, qui juge « qu’ayant constaté que la modification appliquée par l’employeur n’avait pas exercé d’influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié pendant plusieurs années, cette modification n’était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. »

Il convient donc de retenir qu’une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur représentant une faible partie de la rémunération du salarié, ou n’exerçant pas d’influence défavorable sur le montant de sa rémunération, n’empêche pas la poursuite de ce contrat, et ne qualifie pas une résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

On serait enclin à penser qu’à l’inverse, une modification portant sur une partie importante de la rémunération continue de justifier une rupture du contrat de travail imputable à l’employeur.

En outre, cette jurisprudence semble établir une distinction selon le montant de la rémunération considéré ; est-ce à dire que la Cour de cassation considère que dans un cas, le contrat de travail est modifié, dans l’autre, non, selon la valeur en cause ?

Il y a là un raisonnement difficile à saisir…

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