Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La position de DRH n’est pas neutre

Un responsable des ressources humaines est-il investi, en raison de la nature de ses fonctions, d’une charge qui l’oblige à alerter son employeur sur l’illicéité du comportement de son supérieur hiérarchique lorsque celui-ci use de méthodes de gestion critiquables à l’égard des salariés ?

C’est ce que laisse à penser un arrêt inédit de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Cette décision intéressante mérite d’avoir valeur d’exemple bien qu’elle risque fort de s’échouer sur la réalité des pratiques d’entreprise, où le courage et la témérité l’emportent rarement sur la crainte qu’inspire un supérieur hiérarchique, doté de surcroit du pouvoir disciplinaire.

En l’occurrence, une salariée, responsable des ressources humaines d’un magasin de l’enseigne AUCHAN, avait été licenciée pour cause réelle et sérieuse, son employeur lui reprochant d’avoir cautionné des comportements managériaux du directeur ayant porté atteinte à la santé et la sécurité de ses collaborateurs, en violation d’une part, de l’obligation de sécurité, d’autre part, de ses fonctions particulières de responsable des ressources humaines et, enfin des obligations contractuelles qui en résultaient.

Pour parvenir à cette conclusion, l’employeur avait fait procéder à une enquête et auditionné à cette occasion une trentaine de salariés qui avaient souhaité témoigner.

Ceux-ci avaient révélé la terreur et la crainte de perdre leur emploi que leur inspirait le directeur du magasin, licencié ultérieurement pour faute grave, et déploraient que la responsable des ressources humaines l’ait assisté dans sa besogne au lieu de lui rappeler ses obligations, et particulièrement celle de sécurité.erreur de gestion

Une obligation de prévention des risques professionnels

S’estimant injustement congédiée, l’intéressée avait saisi la juridiction prud’homale, contestant le bien-fondé de son licenciement, et avait été déboutée par les Juges du fond

La Cour de cassation les en approuve, après avoir relevé « que la salariée, qui travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin, avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l’encontre de ses subordonnés et pouvait en outre s’y associer, qu’elle n’a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu’en sa qualité de responsable des ressources humaines, elle avait une mission particulière en matière de management, qu’il relevait de ses fonctions de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs, que la définition contractuelle de ses fonctions précisait qu’elle devait « mettre en œuvre, dans le cadre de la politique RH France, les politiques humaines et sociales » et que le responsable des ressources humaines est « un expert en matière d’évaluation et de management des hommes et des équipes » et retenu qu’en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin avec lequel elle travaillait en très étroite collaboration, et en les laissant perdurer, la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés » (Cass. Soc. 8 mars 2017 n° 15-24406).

Que retenir ?

La Haute juridiction met en exergue la circonstance qu’un DRH, en sa qualité, est investi d’une mission particulière et qu’il lui incombe de par la nature de ses fonctions, de veiller au climat social qui règne dans l’entreprise et à ce que les salariés disposent de conditions de travail « optimales ».

Cette décision légitime doit au demeurant être mise en parallèle avec la dernière jurisprudence adoptée en matière d’obligation de sécurité, par laquelle la Haute juridiction impose à l’employeur d’agir à titre préventif en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 du L 4121-2 du Code du travail.

Ces articles disposent en effet que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L 4121-1) et qu’il met en œuvre des mesures préventives afin d’éviter les risques professionnels (article L 4121-2).

Il convient enfin de rappeler que les méthodes de gestion appliquées par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral, et que leur auteur encoure alors un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 23 juin 2016 n° 14-30007).

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