Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une distinction très importante en droit du travail

La carrière d’un salarié au sein d’une entreprise évolue bien souvent au fil du temps. Ses fonctions peuvent changer, sa rémunération être majorée, son lieu de travail être modifié…

Le droit du travail établit une distinction fondamentale entre le changement des conditions de travail et la modification du contrat de travail.

Dans le premier cas, celui du changement des conditions de travail, les Juges considèrent que ce changement se rattache au pouvoir de direction qui est reconnu à l’employeur, ce qui a pour conséquence que le salarié ne peut refuser les directives qui lui sont ainsi données, au risque d’encourir une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à son licenciement.

En revanche, lorsque l’employeur envisage de procéder, non plus à un changement des conditions de travail mais à une modification du contrat de travail, la validité de cette modification requiert l’accord des deux parties, en sorte qu’il doit préalablement recueillir l’accord exprès du salarié pour qu’elle puisse valablement produire effet.

Si le salarié n’accepte pas à la modification qui lui est proposée, l’employeur n’est pas fondé à la lui imposer et la relation contractuelle se poursuit sans changement.

Un passage en force de la part de l’employeur l’expose en effet à ce que le salarié prenne acte de la rupture de son contrat de travail et à ce que cette prise d’acte s’analyse en un licenciement injustifié.

Comment déterminer ce qui relève d’un domaine ou de l’autre ?

Classiquement, Le domaine du contrat de travail concerne les « fondamentaux » de la relation de travail, à savoir : la rémunération du salarié, sa qualification ou son poste.

Relèvent en revanche des conditions de travail :

Quelle différence entre “conditions de travail” et “contrat de travail” ?

Une nuance concernant la répartition des horaires de travail

Il est établi que l’employeur peut procéder unilatéralement à une nouvelle répartition des horaires de travail d’un salarié sur la journée, sous réserve qu’elle ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale ou au droit au repos (Cass. soc 3 nov. 2011 n° 10-14702).

Mais, concernant la répartition des horaires, il y a lieu d’être vigilant car la jurisprudence considère que constituent une modification du contrat de travail les changements suivants :

Cette liste n’est pas exhaustive.

Il est des situations où la frontière entre ce qui ressort des conditions de travail et ce qui a trait au contrat de travail n’est pas aisée à établir, et par conséquent, source de contentieux.

Il appartient donc au Juge d’apprécier en se livrant à un examen attentif des faits.

En voici une illustration.

Exemple d’une décision relative au changement de poste d’une salariée après une réorganisation de l’entreprise

Dans le cadre d’une réorganisation consécutive à la fusion de deux entreprises importantes du secteur pharmaceutique, une salariée occupant un poste à responsabilité s’était vue affecter par son employeur à un nouveau pôle de l’entreprise né de ce regroupement.

L’intéressée estimait cependant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail, qu’elle était en droit de refuser. Au contraire, l’employeur prétendait qu’il s’agissait d’un simple changement de ses conditions de travail.

Face à la résistance de la salariée, il avait considéré qu’elle commettait un acte d’insubordination, et l’avait licenciée pour faute.

L’intéressée, qui a contesté le bien-fondé de son licenciement, a obtenu gain de cause.

Les juges, après s’être livrés à une analyse approfondie, ont en effet relevé que :

le poste proposé à la salariée aboutissait en réalité à restructurer complètement les contours de son poste initial lequel se trouvait amputé du tiers de son domaine d’intervention antérieur, que l’amplification du « qualitatif » ne ressortait nullement des pièces produites par l’employeur, que le changement de poste avait pour effet de modifier radicalement le domaine d’intervention de la salariée, ses prérogatives et ses responsabilités managériales (Cass. soc 25 sept. 2013 n° 12-19407).

Ils en ont donc déduit qu’il s’agissait d’une modification du contrat de travail que la salariée était en droit de refuser.

On ne manquera pas de souligner que les réorganisations dans les entreprises, notamment après des fusions, sont particulièrement propices à ce type de litiges.

Les changements de poste et d’affectation y sont légions et les desseins de l’employeur s’accommodent alors peu des exigences imposées par le droit du travail.

Etat des lieux sur les heures supplémentaires
Etude sur les salariés ayant signé une rupture conventionnelle