Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La mobilité d’un salarié au cours de sa relation de travail est un sujet qui suscite souvent des interrogations.

Voici donc un bref état de la situation visant à répondre aux questions les plus fréquentes.

La mutation du salarié

Il est tout d’abord admis qu’un salarié puisse être muté au sein d’un autre établissement de l’entreprise qui l’emploie, dés lors que cette mutation a lieu dans le même secteur géographique.

Le fait que le contrat de travail comporte, le cas échéant, l’indication du lieu d’affectation de l’intéressé ne vaut qu’à titre d’information, et ne saurait valablement y faire obstacle.

La jurisprudence considère en effet que cette mutation relève du pouvoir de direction de l’employeur, auquel il appartient de fixer les conditions de travail du salarié.

La Cour de cassation juge à cet égard, avec une parfaite constance, que :

« la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information, à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.… Le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat »

(Cass. soc 3 juin 2003 n° 01-40376).

Tout le débat se cristallise alors, sous le contrôle du juge, sur l’étendue du secteur géographique…

La région parisienne, tout du moins les localités desservies par les transports en commun, paraît devoir constituer un même secteur géographique (Cour d’appel de Versailles 15ème Chambre, 20 juin 2012, n° 11/02728).

La clause de mobilité du salarié

La clause de mobilité

La clause de mobilité

Mais, au-delà de ce périmètre, l’employeur peut-il librement décider du changement d’affectation d’un salarié, en le mutant à plusieurs centaines de kilomètres de son lieu de travail habituel ?

Lorsque le contrat de travail contient une clause de mobilité, ou qu’il renvoie expressément à l’application d’une convention collective qui prévoit la possibilité d’une mutation, la réponse paraît, en principe, devoir être affirmative.

A contrario, lorsque le contrat ne prévoit pas de clause de mobilité, et qu’il n’est pas soumis à une convention collective qui en fasse application, l’employeur ne pourrait imposer au salarié une mutation au-delà de son secteur géographique.

Pour autant, la clause de mobilité contractuelle ne saurait valablement étendre son emprise sans restriction, et ses conditions de validité répondent à de strictes exigences.

Ainsi, dans une affaire qui a fixé la jurisprudence, la clause contenue dans le contrat de travail d’un salarié lui imposait une mobilité sur toute la zone d’activité de son employeur qui, s’étendait à l’ensemble du territoire national, en termes très généraux.

L’intéressé avait alors été licencié pour avoir refusé une mutation de Metz, où il travaillait, à la région Rhône-Alpes, l’employeur soutenant que le salarié ne pouvait s’opposer à ce changement sans enfreindre les stipulations de son contrat de travail.

La Cour de cassation a donné gain de cause au salarié, posant comme règle, « qu’une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée » (Cass. soc 7 juin 2006 n° 04-45846).

Une clause de mobilité n’est donc valable que si elle comporte l’énonciation d’une zone géographique précise, qui ne peut être étendue au seul gré de l’employeur.

A titre d’illustration supplémentaires, il convient d’observer qu’une clause de mobilité qui avait été rédigée de la sorte :  » notre direction générale pourra être amenée à vous transférer dans tout service de notre société ou à vous muter dans un de nos secteurs « , a été jugée illicite au motif de l’indétermination de son étendue géographique (Cass. soc. 9 novembre 2011 n° 10-10320).

De même, qu’une clause libellé en ces termes   » le salarié prend l’engagement d’accepter tout changement d’affectation dans une autre agence qui serait nécessaire par l’intérêt du fonctionnement de l’entreprise et ce sur l’ensemble des régions où la société exerce ou exercera ses activités «  (Cass. soc 13 mai 2015 n° 14-12698).

déplacements et/ou missions ponctuelles

Cela étant, la jurisprudence interprète également les clauses de mobilité à l’aune de l’emploi exercé par le salarié.

Et les juges se montrent intransigeants à l’égard des cadres dont les fonctions requièrent des déplacements à l’étranger.

Ainsi d’un salarié, engagé en qualité de directeur technique, dont le contrat de travail indiquait que « dans le cadre de ses activités, (il) pourrait être amené à assurer des missions à l’extérieur de l’entreprise, que ce soit en France ou hors de France, pour une durée plus ou moins longue, ce qu'(il) accepte expressément ».

L’intéressé avait cru pouvoir refuser de se rendre à une réunion à l’étranger, tirant argument de l’imprécision de sa zone géographique, ce qui lui avait valu d’être licencié.

Les Juges ont considéré qu’il avait agi à tort, et ont approuvé l’employeur, au motif que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international (Cass. soc 11 juillet 2012, n° 10-30219).

De sorte qu’un cadre, dont l’emploi nécessite des déplacements internationaux temporaires, ne serait pas fondé à refuser de se rendre pour une courte durée, le temps d’une mission, à l’étranger, sous peine de congédiement.

Le changement d’employeur

En revanche, un employeur ne pourrait valablement imposer par avance à un salarié une clause de mobilité impliquant un changement d’employeur.

Ainsi, la clause d’un contrat de travail prévoyant que le salarié peut être muté dans l’ensemble des filiales du groupe auquel appartient son employeur, est nulle (Cass. soc 23 septembre 2009, n° 07-44200).

Un tel changement constituerait une modification du contrat de travail, dont la validité est subordonnée à l’acceptation du salarié.

Le licenciement pour refus d’affectation

Enfin, mais il s’agit là d’une bien maigre consolation, le licenciement d’un salarié, motivé par son refus d’une nouvelle affectation, en dépit de la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, ne caractérise pas à lui seul une faute grave, l’intéressé licencié pouvant en conséquence espérer bénéficier d’une indemnité de licenciement, s’il a plus d’un an d’ancienneté (Cass. soc 23 janvier 2008, n° 07-40522).

Non-respect d’une clause de non-concurrence par un salarié
Egalité de traitement entre salariés