Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Plusieurs causes de licenciement économique peuvent être invoquées par l’employeur

Lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, et qu’il s’interroge sur les possibilités de contestation de son licenciement qui lui sont offertes, plusieurs points viennent à l’esprit afin d’évaluer ses chances de succès.

En premier lieu, il importe de savoir si l’entreprise qui a procédé au licenciement appartient à un groupe, ou si elle est indépendante, sachant que les obligations qui pèsent sur l’employeur, quant au motif économique et à l’obligation de reclassement, sont plus lourdes dans le premier cas que dans le second.

Il y a lieu en outre d’apprécier la cause du motif économique énoncée dans la lettre de licenciement : difficultés économiques, mutations technologiques, ou refus de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail, conformément aux exigences de l’article L 1233-3 du Code du travail ?

Causes du licenciement économique

Causes du licenciement économique

A ces causes, la jurisprudence en ajouté une : un licenciement pour motif économique peut également être justifié par une réorganisation, pour autant qu’elle soit indispensable, ou à tout le moins nécessaire, à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (Cass. soc 26 mars 2002 n° 00-40898, Cass. soc 29 mai 2013 n° 12-12952).

Cette exigence ayant ultérieurement été reprise par la loi.

En imposant que la réorganisation soit nécessaire, et le mot a du sens, à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, les magistrats ont notamment entendu exclure les réorganisations « de complaisance » ou celles ayant pour seul but d’accroitre les profits de l’entreprise.

C’est ainsi, par exemple, que la Cour de cassation a jugé qu’un licenciement motivé, non  pour sauvegarder sa compétitivité, « mais afin de réaliser des économies et d’améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l’emploi dans l’entreprise concernée », était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur ayant agi avec légèreté blâmable (Cass. soc 1er fév. 2011 n° 10-30045).

Parallèlement à l’examen de la cause économique, il convient de vérifier si l’employeur a satisfait à l’obligation de reclassement à laquelle il est assujetti.

L’exigence préalable d’avoir cherché à reclasser le salarié

L’obligation de reclassement, qui est en effet un élément constitutif de la cause économique de licenciement, est préalable au licenciement (Cass. soc 21 mars 2001 n° 99-43108).

Elle résulte de l’article L 1233-4 Code du travail, qui dispose que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

Pour en revenir à notre propos préliminaire, le législateur fait donc peser sur les entreprises appartenant à un groupe une exigence renforcée (Licenciement pour motif économique dans une entreprise multinationale et obligation de reclassement).

Cette précaution n’est pas vaine, car lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les centres de décision qui la gouverne sont souvent placés à un niveau supérieur à celui de l’entreprise, et dépendent fréquemment de stratégies élaborées au sein des instances dirigeantes du groupe.

Sans verser dans la caricature, lorsque le groupe est multinational et qu’il a son siège hors de France, notre modeste territoire constitue une pièce, plus  ou moins importante, d’un puzzle, dont la valeur est essentiellement jaugée à l’aune de ses performances économiques.

Il arrive, et l’actualité récente nous en offre constamment l’illustration, qu’un groupe international fasse le choix de sacrifier une entreprise française sur l’autel de la rentabilité (affaire des CONTI).

Ces considérations ont conduit les Juges à affiner les critères d’appréciation des difficultés économiques énoncées par l’employeur.

Aussi, si l’entreprise appartient à un groupe, la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient (Cass. soc 10 déc. 2008 n° 07-42445).

Cette jurisprudence vise à rendre compte d’une juste réalité économique, en tenant compte de la situation de toutes les entreprises relevant d’un même secteur d’activité, tant il est vrai que les disparités entre entités résultent parfois de choix stratégiques opérés au niveau de la direction du groupe.

Reste à déterminer le champ du secteur d’activité …

La notion est protéiforme, et peut être interprétée de façon large ou restrictive.

Dans une affaire où l’employeur prétendait que le groupe dont faisait partie l’entreprise était articulé en trois pôles, à l’intérieur desquels existaient des départements qui correspondaient à des secteurs d’activités identifiés, avec leur logique propre, leur développement, leurs contraintes, la Cour de cassation a, rejetant cette argumentation, jugé au contraire que la cause économique d’un licenciement ne pouvait être appréciée à un niveau inférieur à celui de l’entreprise (Cass. soc 26 juin 2012 n° 11-13736).

Malheureusement, la recherche élargie de reclassement au sein du groupe, et de ses filiales, a ensuite été limitée par la loi à une recherche portant uniquement sur le territoire national.

Le législateur a également défini le groupe comme un ensemble, entretenant des liens capitalistiques, constitué d’une entreprise dominante et d’entreprises contrôlées.

Il importe en conséquence de se livrer à une analyse minutieuse de la cause de licenciement énoncée dans la lettre mettant fin au contrat de travail, afin de vérifier si l’employeur a rempli ses obligations légales.

Quel apport l’Europe a-t-elle en droit du travail ?
coemploiL’obligation de sécurité est une obligation de résultat : conséquences