Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une reconnaissance récente en droit du travail

La reconnaissance de ce principe en droit du travail est en réalité assez récente, puisqu’il aura fallu attendre l’année 1996, et une décision restée célèbre, pour qu’il soit consacré par la Chambre sociale de la Cour de cassation (arrêt Ponsolle, Cass. soc 29 oct. 1996 n° 92-43680).

A cette occasion, les Hauts magistrats ont érigé le dogme suivant : l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique.

Rappelons que le  Code du travail prescrit en outre expressément l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (article L 3221-2 : tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes).

Le champ d’application de la règle « à travail égal salaire égal » s’applique à tous les salariés d’une entreprise, et le cas échéant aux salariés de tous les établissements de cette entreprise (Cass. soc 28 oct. 2009 n° 08-40457).

Mais elle ne s’applique pas à une unité économique et sociale, pas davantage qu’aux autres entreprises d’un groupe, qui sont des personnes juridiques distinctes, excepté lorsqu’une convention ou un accord collectif stipule expressément que la comparaison s’appliquera à ces entités (Cass. soc 1er juin 2005 n° 04-42143).

Il n’en demeure pas moins qu’une différence de rémunération entre plusieurs salariés d’une entreprise placés dans une situation identique est parfaitement licite sous certaines conditions, l’employeur conservant alors son pouvoir d’individualisation.

Une différence de traitement entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égal peut donc exister, pour autant que  l’employeur justifie de ces différences par des raisons objectives, pertinentes et matériellement vérifiables (Cass. 30 avril 2009 n° 07-40527, Cass. soc 21 juin 2005 n° 02-42658).

De sorte que ces différences ne relèvent pas du pouvoir discrétionnaire de l’employeur et qu’elles échappent à l’arbitraire.

Une récente affaire nous permet d’illustrer l’application de ces principes.

Un salarié, responsable ventes et marketing, se plaignait que l’un de ses collègues qui occupait les mêmes fonctions que lui au sein du même service, tout en justifiant d’une ancienneté moindre, était classé à un niveau supérieur au sien et percevait une rémunération de 20 % plus élevée.

L’employeur lui objectait les qualités professionnelles de ce salarié, ainsi que la possession d’un diplôme de niveau supérieur.

Une telle argumentation n’a pas convaincu et la Cour de cassation énonce plusieurs considérations dignes d’attention (Cass. soc 13 nov. 2014, n° 12-20069 et 13-10274)

Elle souligne que « si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l’embauche, à un moment où l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles ».

En d’autres termes, si l’individualisation de la rémunération, reposant sur les qualités professionnelles, peut être justifiée, une différence de traitement lors de l’embauche n’est pas pertinente, dés lors que l’employeur n’a, à ce stade, pas été en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du nouveau venu.

Elle ajoute que « la seule différence de diplômes, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée

Ainsi, une différence de diplôme ne suffit pas, en soi, à justifier une différence de rémunération entre deux salariés exerçant les mêmes fonctions.

En l’espèce, l’expérience acquise pendant plus de vingt ans, par le salarié au sein de la société compensait très largement la différence de niveau de diplôme invoquée et la détention du diplôme d’ingénieur, dont il n’était pas démontré qu’il était utile à l’exercice de la fonction occupée par les salariés, n’était pas de nature à justifier la disparité de traitement litigieuse

Ce n’est donc que lorsque la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée, qu’une différence de rémunération peut être légitime.

Cette jurisprudence, aussi pragmatique qu’empreinte de bon sens, mérite pleinement l’approbation.

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